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O.N.G. - Extrême-orient(é)
12 mars 2013

L'esprit des choses : L'avion

Sans tit

Grand symbole de la modernité, il a modifié à jamais l’espace et le temps. Sans lui, pas de mondialisation possible. Grâce à lui, des voyages qui prenaient jadis plusieurs semaines peuvent désormais s’effectuer en quelques heures et l’on peut s’endormir à Paris pour se réveiller à Pékin ou Chicago. Comme le disait Saint-Exupéry, « il nous a appris la ligne droite ». Aujourd’hui, le ciel bleu porte régulièrement une interminable cicatrice blanche: un avion est passé. L’avion, c’est d’abord le plus vieux rêve de l’humanité, le voyage des chamanes gorgés d’hallucinogènes, le mythe d’Icare enfin réalisé. Attachez vos ceintures, voilà que se rapetisse le monde et que l’on vous emporte vers l’empyrée. Dans quelques minutes, vous verrez un autre de monde de formes blanches, biscornues et immatérielles: c’est l’autre côté des nuages, le pays réservé aux êtres subtils et que vous ne pouvez contempler qu’à travers un épais hublot. Pour en arriver là, il aura fallu un acharnement somme toute assez étonnant. Au départ, l’entreprise est proprement prométhéenne: il s’agit de montrer la supériorité du « plus lourd que l’air » déjà prophétisée dans le « Robur le conquérant » de Jules Verne, avec une naïveté toute enfantine. Cette naïveté transparaît aussi bien dans le prototype d’aile volante « chauve-souris » de Clément Ader que dans les aéronefs des frères Wright. Aucun des précurseurs de l’avion n’a de visée véritablement économique. Au mieux, comme Clément Ader, on envisage l’aspect militaire des choses, un aspect militaire d’ailleurs limité à l’observation. Qui imagine alors que les gros porteurs d’aujourd’hui et leurs colossaux enjeux économiques sont déjà en germe? Le progrès technique est une force aveugle mais irrépressible. Au fait, qu’est-ce qu’un avion? Si l’on en croit la très sérieuse Organisation de l’aviation civile internationale, un avion est un aéronef « plus lourd que l’air, entraîné par un organe moteur, dont la sustentation en vol est obtenue principalement par des réactions aérodynamiques sur des surfaces qui restent fixes dans des conditions données de vol ». La définition a le mérite d’être complète, bien qu’elle pose quelques problèmes. Après tout, les premiers avions faits de toile et de bois et entraînés par un moteur ressemblaient plus à nos modernes ULM. En revanche, cette définition a le mérite de définir un objet technologique. La montgolfière se con tente du poids de l’air chaud pour s’élever, et du vent pour avancer; l’avion, lui est une pure machine conçue pour s’arracher à la gravité terrestre et avancer dans l’air. C’est ce qui lui permet des vitesses jadis impensables et une précision unique, le tout dans un véritable confort. Mais avec la prouesse technique qu’il représente, l’avion reste un instrument. Ses flancs ont beau recéler des prodiges d’électronique, il lui faut toujours un pilote humain pour lui permettre d’affronter les vents contraires et les caprices de l’air, pour négocier sa trajectoire. Le pilote automatique n’est jamais qu’un appoint temporaire. En fin de compte, ici la machine sert obligatoirement l’homme et il y a apparence que cela durera aussi longtemps que l’atmosphère n’en fera qu’à sa tête. Car le gigantesque volatile de fer a aussi ses limites et ses fragilités. Un volcan peut le clouer au sol. En 2010, les cendres nées de l’éruption du Eyjafjallajökul ont bloqué plusieurs milliers d’avions. Parfois même, il suffit de la collision avec un gros oiseau, ou son ingestion par un des moteurs pour mettre le vol en danger. Voilà décidément un instrument bien fragile… se dit le passager anxieux. Il est aussi fort coûteux. L’avion moderne est fort gourmand de carburant, c’est-à-dire d’énergie fossile. En dépit de certaines tentatives récentes, l’énergie solaire n’est pas encore prête à remplacer le bon vieux kérosène, naguère encore appelé « pétrole lampant » dont le prix au litre risque fort dans un proche avenir de s’aligner sur celui du caviar. Voler pourrait bien redevenir un luxe, voire un caprice, hors de prix… et fort polluant. Reste pourtant le vieux rêve dont nous ne serons jamais quitte. L’histoire de l’avion devrait pourtant nous rappeler la phrase du philosophe Francis Bacon: « On ne commande la nature qu’en lui obéissant ». 

Jean-Michel Diard

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