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O.N.G. - Extrême-orient(é)
10 février 2009

Japon : La fabrique d'une nation

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Okinawa, 1879. L'Empire japonais nouvellement proclamé annexe officiellement le royaume des Ryûkyû, dont l'ile d'Okinawa est le cœur. Jusque-là, cet archipel était quasi indépendant, bien qu'historiquement placé sous une double sujétion : dans le giron de la Chine, il était également, depuis 1609, sous le protectorat du clan Shimazu, un clan féodal du sud du Japon. Ce petit royaume florissant suscite en effet toutes les convoitises : situé à égale distance de la Chine, du Japon et de Taiwan, il est au cœur du trafic maritime nord-asiatique. En cette seconde moitié du XIXè siècle, le Japon, qui est en train de se constituer en puissance impériale, revendique sa souveraineté totale sur l'archipel des Ryûkyû, c'est-à-dire son intégration pure et simple au département nippon de Satsuma. Le petit royaume, littéralement menacé de toutes parts, se débat dans un jeu diplomatique délicat. Sans compter qu'au même moment les États-Unis, cherchant à mettre fin à la politique de fermeture totale pratiquée par le Japon à l'égard du monde extérieur, renforcent leur diplomatie dans le Pacifique.

Avec Tenpesuto, l'écrivain okinawais Eiichi Ikegami retrace cette période charnière de l'histoire d'Okinawa. Son héroïne, Mazuru, est une belle jeune femme, érudite et polyglotte, qui se fait passer pour un homme, Neion, afin de pouvoir intégrer la haute administration royale et mettre son intelligence et son pragmatisme au service du triple jeu diplomatique mené par le royaume face à la Chine, à l'Empire japonais et aux États-Unis. Un roman historique en deux tomes qui connaît, depuis sa sortie en août 2008, un immense succès. « Car en retraçant l'histoire moderne d'Okinawa, Eiichi Ikegami nous rappelle que le Japon d'aujourd'hui a son origine dans un passé expansionniste et colonial. Il déconstruit la belle et grande histoire de la nation telle que les manuels tentent de nous la raconter », analyse le poète Shinji Saitô dans l'hebdomadaire tokyoïte Syûkan Dokusyojin. « Car l'État-nation japonais que nous connaissons, sa culture et sa langue ont été artificiellement construits dans le temps et l'espace, imposés par un empire qui n'hésitait pas à annexer des territoires pour alimenter la "fabrique des sujets de l'empereur" menée au début de l'ère Meiji et de la modernisation. »

La culture japonaise n'est pas homogène et ne se résume pas à celle de Kyoto ou Tokyo. Elle est faite de diversité et comprend les cultures et les langues d'Okinawa, d'Hokkaïdo (au nord de l'archipel), etc. « Tenpesuto, conclut le poète dans l'hebdomadaire Syûkan Dokusyojin, se fait l'écho d'un sujet de réflexion et de débat de plus en plus investi par la recherche universitaire et les médias : la remise en cause du passé impérial du Japon. »

Books Magazine, Février 2009

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