Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
O.N.G. - Extrême-orient(é)
11 avril 2008

Nouvelles de Birmanie

Ludu_Sein_Win

L'oppression du gouvernement est plus forte d'année en année. Aujourd'hui, vous pouvez frapper à la porte de n'importe quelle maison et demander à ceux qui y habitent s'ils sont en lien avec la prison. Vous pouvez être sûr que tout le monde vous répondra 'oui'. Peut être le fils, le frère, la mère, un ami de la famille… est en prison. C'est pourquoi j'ai l'habitude de dire que notre pays est comme une grande prison. Chaque personne y est liée. J'ai des amis dont la famille tout entière est en prison ; le mari, la femme et leur fils ont été condamnés en même temps. Chacun d'entre eux a été envoyé dans une prison différente. La femme a été libérée deux ans plus tard mais le mari et le fils y sont restés. Aujourd'hui cette mère de famille doit, chaque mois, rendre visite à son mari et à son fils. Elle est partagée entre la prison de son mari dans le centre du pays et celle de son fils proche de la frontière indienne. Comment peut-elle vivre ? Beaucoup de familles ont été déchirées de cette manière. Mon ami U Win Tin, un célèbre journaliste, a été emprisonné au départ pour 3 ans mais cela fait 15 ans qu'il est enfermé. Il n'a pas de famille donc je dois l'aider pour la nourriture et les médicaments. Il a désormais plus de 75 ans. Ces 15 ans de prison l'ont rendu si malade que je ne pense pas le revoir vivant.

Aujourd'hui je n'ai pas peur de parler. J'écris dans cinq hebdomadaires et une douzaine de mensuels sur des sujets de société. Je donne régulièrement des interviews pour des radios qui émettent en birman depuis l'étranger. Bien sûr, c'est très dangereux mais je ne peux pas abandonner. Si on cède à la pression du gouvernement alors on ne peut plus rien. Il n'est pas possible de critiquer directement le gouvernement. C'est pourquoi j'utilise beaucoup d'images et de métaphores pour parler de mes sentiments.

En tant que journaliste préoccupé par des questions sociales et politiques je suis contraint d'utiliser des messages indirects. Quand je suis censuré, aucune justification ne m'est donnée. Pourtant, je continue car c'est nécessaire pour le peuple. J'écris une trentaine d'articles par mois, en général seul une petite vingtaine sont acceptés par les censeurs. J'ai environ 15 noms de plume différents mais parfois les censeurs me reconnaissent. Je fais partie de la " black list" et comme tous les écrivains qui y sont inscrits, mes articles sont envoyés à 3 bureaux de censure différents avant d'être publiés.

Sous la colonisation, la Birmanie était un des pays les plus riches de l'Asie du Sud Est. Nous produisions suffisamment pour nourrir toute la population. L'éducation était d'un très bon niveau et la littérature birmane rayonnait dans toute l'Asie. Mais aujourd'hui l'éducation est au plus bas et notre pays est l'un des plus pauvres du monde. Plus de 40 ans de dictature ont anéanti tout ce qu'il y avait dans le pays. Les gens en ont vraiment assez. Ils sont prêts à se battre de nouveau. En 1988, personne ne s'attendait à un tel soulèvement populaire. Mais les gens se sentaient si oppressés que ça devait arriver. Je pense donc qu'un autre soulèvement peut se produire à n'importe quel moment car mon peuple est encore plus désespéré ; cela fait plus de 16 ans que nous attendons. Pour ceux qui meurent de faim, ce n'est plus possible. Aujourd'hui, je ne crois plus à une solution pacifique tant ces hommes au pouvoir restent insensibles à tout dialogue. Le gouvernement continue de mentir et tricher ; ils disent qu'ils veulent transformer le pays en système démocratique mais personne ne les croie. Jamais ils ne donneront le pouvoir volontairement car ils y sont trop attachés. Ailleurs, personne n'en a autant qu'eux, c'est un pouvoir absolu. Ils sont au dessus de toutes les lois, et peuvent arrêter ou tuer qui ils veulent. Personne n'accorde de confiance au gouvernement. Ils ne connaissent que le langage des armes.

Ludu Sein Win (Journaliste Birman)

Publicité
Commentaires
Publicité