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O.N.G. - Extrême-orient(é)
23 novembre 2012

Les libres cosaques de Robert de Goulaine

Sans

Face à la sinistrose ambiante, je vous conseille ce petit ouvrage, qui saurait dérider le plus bridé d’entre vous. C’est la Geste du grand Ungern, le baron fou, que Robert de Goulaine[1] se propose de nous retracer. Le souffle épique vous donne envie de passer par la fenêtre. Lecture à déconseiller si vous n’habitez pas un rez-de-chaussée ! Sinon, vous pouvez lire sans modération cette petite épopée d’un bout du monde. Les steppes à pertes de vue. Une nature exigeante, extrême. Des hommes pris dans le tourbillon de ce début de XXe siècle bouillonnant. Des armées Blanches en déroute. La menace Rouge qui se précise. Les rêves les plus fous peuvent mûrir à loisir dans les cœurs aventureux. 

L’incipit s’inscrit déjà sous les traits de la nostalgie et du mystère. Le décor est planté en plein dans le Pigalle des années cinquante. On se doute que la nuit sera longue dans ce bastringue aux longues figures. Saudade à la Russe, arrosé de vodka. Epoque où les officiers tsaristes étaient encore chauffeurs de taxi, où les Halles répandaient leurs odeurs dans la grisaille du petit jour. Il n’est pas étonnant alors qu’un jeune étudiant, doux rêveur, fraternise avec un vieux cosaque et que le galop de l’imagination ne s’emballe avec fracas. Et l’auteur de nous transporter dans le Shangaï des années trente si bien dessiné par Hugo Pratt. Boris, notre héros, n’a rien du marin légendaire. Rien pour lui si ce n’est d’avoir combattu pour le Baron. Il est des périodes où des hommes dont la vie aurait dû passer inaperçue rencontre un personnage, un événement qui va les révéler. Ce jour là, le destin de ces inconnus se confond avec leur chef. L’atmosphère y est formidablement restituée, décors, rencontres. Tchita. Les armées en déroute, les aventuriers, les assassins, les traîtres. Des Rouges, des Blancs et cette formidable voix ferrée, le mythique Transsibérien. Des officiers vaniteux et utopiques dépassés par les évènements. Et les cosaques et ce Boris. La vie est courte à cette époque. La liste des personnages hauts en couleur est là, défile Semenoff au bras de sa maîtresse, Ungern nous attend à Ourga. Personnages que nous avions déjà rencontrés chez Mabire[2], Pratt[3] et bien sûr le grand reporter Kessel[4]. L’action se met rapidement en branle. La mort, la destruction sont inéluctables, longue marche où pourtant tout semble encore possible avant que le rêve ne se fracasse contre la réalité. Ici, même les femmes ne retiennent les cœurs ivres de combats. Comment était vraiment le Baron, cet homme seul, dans la réalité ? Qui étaient ces hommes venus mourir sous ses ordres pour une cause perdue, mais aussi communier de toute l’Asie à un rêve fou. Libérer cette terre de l’Occident corrompu. Changer l’ordre du monde. Chevaucher la chimère et le vent. Ce livre n’apporte pas de réponse, simple pierre sur l’édifice de nos rêves éveillés. C’est déjà ça…

Livr'Arbitres

[1] Robert de Goulaine, Les seigneurs de la mort, éditions de La Table Ronde, 2006.
[2] Jean Mabire, Ungern le baron fou, éditions Balland, 1973 (avec une précieuse bibliographie).
[3] Hugo Pratt, Cour des Mystères, éditions Denoël, 1997.
[4] Joseph Kessel, Les nuits de Sibérie, éditions Flammarion, 1928.

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