Aymeric Chauprade : Chine, Russie, Amérique et Europe
Le Choc du mois : Et (qu'en est-il de la politique des) Chinois, même
si c'est la Russie, comme vous le rappelez, qui a, en partie, cassé le
nouvelle politique d'endiguement américaine autour de la Chine ?
Aymeric Chauprade (géopoliticien) : La politique extérieure de la Chine est nettement
moins affirmée que celle des Russes. La Chine s'est concentrée sur sa
croissance économique, en faisant le pari de la durée. C'est la Russie
et elle seule qui a ruiné la stratégie (unipolaire) américaine,
laquelle était d'"otaniser" l'ex-URSS et de l'intégrer au bloc
transatlantique, mission partiellement accomplie au temps de Boris
Eltsine, pour ensuite prendre en étau la Chine, de Vladivostok à
Vancouver, selon la formule de George Bush père en 1989. Cette stratégie a été ruinée par la politique du président Poutine.
On est frappé par l'audace diplomatique des Russes, a contrario de celle des Chinois...
Les Chinois considèrent qu'ils ont le temps avec eux. Curieusement, ils
n'ont jamais cessé d'être envahis par des peuples qu'ils estimaient
être des barbares et qu'ils ont fini par civiliser. La conscience de la
supériorité de la civilisation chinoise est bien établie. Cela leur
donne comme une sorte de sérénité. Les Russes sont dans une logique
différente. L'effondrement de l'Union soviétique n'a pas été seulement
un effondrement de du communisme et de ses horreurs, mais du prestige
et de la géopolitique russes.
Quels sont les grands défis que doivent relever, d'une part la France, d'autre par l'Europe ?
Le première, qui touche l'ensemble des peuples et des civilisations,
c'est de faire échec au mondialisme américain, qui nivelle et anéanti
la richesse des cultures et des identités.
Le deuxième, c'est la confrontation avec le dynamisme idéologique et
démographique du monde musulman, dans toute sa complexité d'ailleurs,
car il ne s'agit pas d'un bloc monolithique. Les concurrences internes,
entre chiites et sunnites, donnant d'autant plus de virulence à ce défi.
Le troisième, c'est celui constitué par la géopolitique intérieure des
Européens, notamment avec l'immigration de repeuplement massive et
l'effondrement démographique des populations de souche, qui mettent
l'identité européenne en péril.
La Chine peut constituer un autre défi, puisqu'elle a sans doute la
capacité de se hisser à la tête du monde. Mais elle demeure l'empire du
Milieu. Elle n'a pas de programme de transformation des peuples, ni de
projet universaliste, du moins à l'heure actuelle. Sa priorité reste sa
propre croissance.
Le Choc du mois - Fevrier 2009