Gros sous et mythologie
La République populaire démocratique de Corée a lancé, le 15 décembre,
sa troisième génération de téléphones mobiles (hahaha). L'opérateur est
le groupe égyptien Orascom, qui doit investir 400 millions de dollars
(285 millions d'euros) au cours des quatre prochaines années. En 2002,
le régime le plus fermé du monde – radios et télévisions ne peuvent
recevoir que les émissions officielles – avait déjà expérimenté un
service de téléphonie mobile mais, dix-huit mois plus tard, son
utilisation avait été interdite, sauf à une élite restreinte. Le
système mis en place par Orascom permet des connexions rapides à
Internet mais le coût d'un mobile (près de 500 euros) est prohibitif.
L'utilisation illégale de mobiles dans la région frontalière avec la
Chine – permettant des communications avec l'extérieur – est par
ailleurs passible de lourdes peines.
Par le jeu de prises de participation, une entreprise française est
indirectement impliquée dans cette opération et figure parmi les
principaux – sinon le premier – investisseurs étrangers en Corée du
Nord. Car en prenant le contrôle, en décembre 2007, de la division
ciment d'Orascom, Ciment Lafarge est devenu partenaire à 50 % d'une
cimenterie nord-coréenne dont l'un des projets est le redémarrage des
travaux de l'hôtel Ryugyong à Pyongyang. Grande pyramide de béton au
nord de la capitale, l'hôtel (330 mètres) est le symbole des ambitions
pharaoniques du régime. Les travaux avaient commencé en 1987 en
prévision du Festival mondial de la jeunesse de 1989, contre-point aux
Jeux olympiques de Séoul (1988) où la Corée du Nord n'avait pas été
invitée. L'établissement devait être doté de 3 000 chambres. Mais
depuis l'arrêt des travaux, en 1992, seuls des oiseaux y logent.
Or, Orascom s'est engagé à reprendre le chantier en prenant une
participation de 115 millions de dollars dans l'entreprise
nord-coréenne Sangwon Concrete Company, maître d'œuvre du projet. Un
accord dont a finalement hérité Ciment Lafarge. Le patron du groupe
français, Bruno Lafarge, a d'ailleurs été reçu en septembre par le
président du présidium de l'Assemblée suprême du peuple, KimYoung-nam,
qui assume les fonctions de chef de l'Etat. Pyongang attache une grande
importance à l'achèvement du Ryugyong, embarrassant rappel d'un échec
qu'il veut absolument effacer pour la célébration, en 2012, du centième
anniversaire de la naissance du "grand dirigeant" Kim Il-sung.