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O.N.G. - Extrême-orient(é)
24 novembre 2011

Et si la croissance était un mythe qui coûte trop cher ?

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Le FMI de Lagarde bat le rappel des troupes et affole un peu plus l’opinion en menaçant 2012 (l’année de la fin du monde !) d’une possible récession. L’occident et avec lui maintenant le reste du monde ont tellement hypostasié la croissance que toute inexistence de celle-ci, raréfaction de celle-ci, effritement de celle-ci sont vécus comme un désastre obscur.

En 2008, nous avions un scénario rêvé pour limiter la puissance des banques, des banksters (au fait, le mot vient, comme toujours, de Céline), des fous de Bruxelles, des hedge funds et du reste ; mais par peur de ne pas avoir de croissance, les Etats ont préféré recapitaliser les investisseurs, comme on dit, et en se ruinant ainsi, ils ont complaisamment tendu leur gorge au bourreau. Aujourd’hui ils sont Grosjean comme devant. Faut-il l’aimer, cette croissance !

J’ai assez vécu dans des pays émergents dans les années 2000 pour savoir ce que veut dire, par exemple en Amérique du sud, un peu de croissance. Une croissance de 10 % suppose bien sûr de l’inflation, suppose, bien sûr un doublement annuel de l’immobilier (voir aussi en Israël, en Chine et en Inde) ; une croissance de 10 % suppose un changement brutal et tellurique de vie, une extension cancéreuse des villes, des transports longs et insupportables ; une croissance forte suppose aussi une explosion de la population obèse, car partout on utilise l’air conditionné putride et partout on mange la même junk food qui a détruit les Américains. Une croissance forte suppose aussi entre autres une destruction de la nature et de la terre pour les besoins du tourisme ou de l’agriculture. Une forte croissance suppose aussi une énorme pollution et des problèmes de santé toujours plus coûteux.

Mais ce n’est pas tout. Il y a ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, comme dit Bastiat. Car que diable faut-il faire pour satisfaire les instituts de croissance ?

Des réponses, j’en ai. Je mets les pieds dans le plat mais le système m’y oblige. Il faut par exemple ne pas faire l’amour à sa femme mais aller voir les prostituées ; cela fait marcher le PNB ! Il faut recouvrir les forêts d’autoroutes, les déserts de gratte-ciels comme au Brésil ou en Arabie ; il faut aller au supermarché Wal-Mart ou Carrefour en voiture pour acheter chinois et laisser crever la vie de quartier et l’épicerie du coin ; il faut ne pas savoir éduquer ses enfants et les planquer dans l’école privée la plus chère du monde pour s’en vanter à table ; il faut dépenser cent milliards pour construire un bouclier anti-missiles destiné à faire peur à la Corée du Nord et au marquis de Carabas ; il faut aller en avion à l’autre bout du monde et ne pas savoir qu’il y a une réserve ornithologique à côté de chez soi ; il faut payer la fringue bengali dix ou cent fois son prix pour justifier sa pub à la télé. Bref, il faut vivre dans la matrice.

Le coût moral et naturel de la croissance est énorme. Mais voyons le coût financier.

Lorsque j’étais petit, je me souviens qu’on me parlait des cycles, de la nature, des Juglar et des Kondratieff. Il y avait une époque où cela montait, m’expliquait-on, et une époque où cela baissait. On faisait avec, on gagnait moins d’argent, comme diraient Virginie et Paul, les deux héros rousseauistes bien calibrés de Villiers de l’Isle-Adam. Aujourd’hui, c’est plus pareil, ça change, ça change. Il faut donc dépenser mille milliards pour faire un point de croissance, comme Obama l’a fait en 2008 et comme il le refera encore. Comme de toute manière il dispose de l’imprimante à dollars (laquelle, bizarrement, ne fait pas non plus le bonheur, au moins de l’américain moyen...). Sarkozy et Lagarde la donneuse de leçons ont doublé le déficit français, on a vu avec quel bonheur financier et électoral !

Obligatoire, la croissance est devenue ruineuse. On est obligé de s’endetter, obligés de se ruiner pour activer la pompe, obligés aussi de se bovaryser pour consommer : l’insatisfaction comme moteur de l’économie marchande. Si ce ne sont pas les individus qui le font, ce sont les états et les administrations avec les catastrophes qui en débouchent. Ce vampirisme keynésien est devenu le modèle économique des temps modernes. Nous avons pourtant de quoi voir venir, non ? Une fois éliminés la faim, la maladie, le froid, adopter une vie plus intelligente, plus souple, plus qualitative ! Mais non : il faut plus de voyages pas cher, plus de limousines allemandes, plus de visites ruineuses au supermarché. Sinon, les sondages s’affolent et les politiques s’imaginent qu’ils ne seront pas élus ou réélus !

Une dernière remarque, pour rassurer tout le monde : 2012 sera dit-on l’année de la fin du monde : sera-ce bon pour la croissance ? Oui, sans doute. On signera plein de contrats de reconstruction après l’Apocalypse ! Cela fera un peu d’argent.

Nicolas Bonnal

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