Crack, bourse, immobilier et démocratie
Et si le krach était une affaire de crack ? Et si la tempête boursière
qui vient de secouer le monde était une tempête de... neige ?
Certains
experts de l’histoire cachée le pensent en tout cas : ce que viennent
de vivre les bourses mondiales est moins un épisode de la guerre
financière qu’un épisode de la guerre de la drogue. Et plus précisément
de l’une des armes les plus redoutables de cette guerre : le brown
sugar.
Dérivé bon marché des résidus de fabrication de la
cocaïne, le brown sugar, ainsi appelé parce qu’il ressemble vaguement à
du sucre brun, est apparu pour la première fois au début des années 80
en Californie.
En quelques mois, devenu le "crack" en raison de
la fulgurance et de la violence de ses effets, il avait traversé les USA
et se trouvait en vente à Boston, chez les "Wasp" (White Anglo-Saxon
Protestant), à l’opposé exact, en termes de catégories sociales, des
ghettos afro ou chicanos de Californie. En moins d’un an, de la côte
Ouest à la côte Est, des Grands Lacs aux rivages du golfe du Mexique,
des bas-fonds des quartiers noirs aux luxueuses "mansions" de la haute
bourgeoisie blanche, tout le pays était contaminé.
En France, au
début du second septennat de Mitterrand, alors même que les responsables
policiers parisiens de la lutte anti-drogue soutenaient que le crack
n’était qu’un fantasme de journalistes en mal de copie et que "ça ne
marcherait jamais chez nous", on pouvait se procurer une dose pour moins
de cinquante francs sous le métro aérien du quartier Jaurès-Stalingrad à
Paris.
Cette progression fulgurante n’a épargné aucune catégorie
sociale, aucun pays. En raison même du prix très bas de ce produit,
prix fixé par ses inventeurs, justement pour assurer sa vente massive
et, donc, des bénéfices rapides et colossaux, le succès a été immédiat
dans les milieux les plus déshérités.
Ce nouveau marché a dégagé
des sommes colossales. Les spécialistes estiment à près de deux
milliards de dollars par jour les flux monétaires suscités par le crack.
La
commission des stupéfiants de l’ONU estime que plus de la moitié de
cette somme est investie dans des circuits de blanchiment et notamment
sur les marchés boursiers où la convention de 1988 contre le trafic
illicite commence à peine à être appliquée.
En France, alors que
le chiffre d’affaires annuel de la drogue est estimé à vingt milliards
de francs, la seule saisie importante d’argent sale effectuée en banque
se monte à vingt-sept millions. Soit 1,5 millièmes du chiffre d’affaires
des trafiquants !
On imagine sans peine l’efficacité de cette convention dans les jungles affairistes d’Asie...
Les
trafiquants désireux de reconvertir l’argent sale ont deux solutions.
Premièrement l’investir, à travers des cascades de sociétés-écrans
dispersées dans divers paradis fiscaux et dont les intérêts croisés
rendent les vrais propriétaires à peu près impossibles à identifier,
dans des secteurs juteux et mal contrôlés. L’immobilier, par exemple, à
Hong-Kong, en Malaisie et à Singapour.
L’effondrement de ce
secteur, après des années de surchauffe due aux surinvestissements
douteux, et l’insolvabilité des emprunteurs, à hauteur de cent milliards
de dollars, ont chassé les investisseurs, honnêtes ou pas.
La
seconde solution : réinjecter l’argent sale dans l’économie parallèle où
il sécrète d’autres bénéfices nés de pratiques tout aussi illégales que
le trafic de drogue (porno-business, réseaux de prostitution, trafic
d’armes, etc.).
Dans cette hypothèse, les trafiquants ont le
choix : soit ils entrent en concurrence avec les services spéciaux, soit
ils font affaire avec eux.
Les pays dits démocratiques ont en
effet vu depuis longtemps dans cette économie parallèle le moyen de
"sponsoriser" leurs actions non officielles.
Un Etat
"démocratique" ne peut évidemment pas assumer sans graves difficultés
politiques au moment du contrôle budgétaire, des activités telles que le
financement de guérillas (les contras), la liquidation d’opposants
jugés dangereux (Che Guevara), le déclenchement de coups d’Etat (au
Zaïre) ou la fourniture d’armes à des rebelles en guerre contre des
alliés officiels (dans l’Algérie des années 50-60...).
En outre,
la drogue fait désormais partie de l’arsenal de la guerre occulte. Au
Vietnam, les communistes ont combattu le corps expéditionnaire US en y
introduisant le poison de l’héroïne. En Afghanistan, les services
américains ont rendu la politesse aux Russes en faisant transiter par le
Pakistan la drogue qui contribua à démoraliser l’Armée rouge.
Plus
tard, c’est encore le trafic du crack qui finança la plupart des
opérations ultrasecrètes conduites, à l’insu même du Congrès, par la CIA
contre les guérillas communistes ou pour soutenir les guérillas
anticommunistes.
Tout cela dans une ambiance de "paix armée"
entre les services et les mafias. En Colombie, par exemple, on a vu
s’affronter des équipes Action de la même agence. D’un côté, les agents
spéciaux chargés de négocier avec les gros bonnets de la drogue lesquels
payaient la guérilla pour racketter les gros propriétaires. De l’autre,
les spécialistes chargés d’encadrer les milices de lutte antiguérilla
engagées par les gros propriétaires pour les protéger contre les
racketteurs.
Le retentissant procès d’Oliver North a mis en évidence les connexions entre CIA et cartels de trafiquants.
Du
coup, si, en Russie, l’imbrication entre services spéciaux issus du KGB
éclaté et mafia de la drogue est restée totale ; si, en Chine, la
Sécurité, organisation qui coiffe l’armée, la police, le pénitentiaire
et les services spéciaux est financée par la drogue ; les services
américains et leurs annexes ont dû rompre avec le narco-business. C’est
un des effets inattendus du trafic du crack.
A l’issue du procès
North, en effet, une équipe de juristes et d’économistes
afro-américains, partant du constat que les populations déshéritées
afro-américaines ont été les principales victimes du trafic de crack, a
eu l’idée d’inverser la stratégie utilisée par l’administration US
contre les fabricants américains de tabac.
On sait que ceux-ci
ont été contraints d’échanger l’interruption de tous les ruineux procès
engagés par les citoyens victimes du tabagisme, contre le versement au
trésor public d’un dédommagement de plusieurs dizaines de milliards de
dollars étalé sur dix ans.
Forts de ce précédent, les juristes et
économistes noirs menacent d’inciter les millions de victimes directes
ou indirectes du crack à engager des actions en dommages et intérêts
contre la CIA, donc l’administration US, responsable de la diffusion du
fléau.
A moins que ladite administration n’accepte de verser des
milliards de dollars de dédommagements au "Restitution Trust Fund",
fondation visant à lutter contre la misère de la communauté
afro-américaine.
Leur argumentation : avec nos impôts,
l’administration américaine a financé l’un des crimes de masse les plus
abominables du XXe siècle. Il est normal que cet argent nous soit
restitué, à nous qui avons été les principales victimes de ce crime de
masse, et qu’il serve à financer notre résurrection. Dans un tel
contexte, on l’imagine, la Centrale américaine a mis un terme à toute
activité liée à la drogue et toute relation avec le narco-business.
Du
coup, privés du débouché de l’immobilier asiatique et du commerce
parallèle avec les services spéciaux, les trafiquants ont dû trouver
d’autres domaines d’application.
Ils se sont donc reportés sur
l’activité qui est sans doute la plus juteuse : la spéculation monétaire
dont Maurice Allais disait, en 1994, qu’elle mettait en mouvement des
sommes quarante fois supérieures au montant des transferts légalement
effectués pour les transactions commerciales dans le monde. Jacques
Houbart notait en février 1995, dans le Libre Journal, que ces sommes se
montaient à... mille milliards de dollars par jour !!! C’est dire leur
formidable pouvoir de nuisance et, plus encore, leur absence totale de
contrepartie en biens et services. Or, voilà quatre mois, la
réintégration de Hong Kong dans la Chine communiste a eu un effet induit
que bien peu de médias ont évoqué : la mise en convertibilité du yuan à
travers le dollar Hong-Kong déjà traité en monnaie convertible au terme
d’un ancien traité sino-britannique.
En prenant le contrôle de
Hong-Kong et, donc, en s’assurant de l’autorité sur les banques de
l’archipel, les Chinois de Pékin ont pu imposer un débouché pour leur
monnaie de singe. Tung Chee Hwa, chef de l’exécutif de la Région
administrative spéciale (nom de Hong-Kong en Chine communiste), n’a
cessé de le répéter depuis le 30 juin, date de l’intégration de
Hong-Kong à la Chine populaire.
Il a fini par être entendu, mais
pas tout à fait dans le sens où il l’espérait. L’argent, et tout
spécialement l’argent sale, bien plus volatile, a fui la bourse pour se
placer sur la spéculation monétaire devenue à la fois plus aisée et plus
juteuse.
On connaît le résultat.