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O.N.G. - Extrême-orient(é)
28 janvier 2013

La non-violence : le mythe et les réalités

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Marie-Ange Patrizio : Alors que tu livres un jugement positif, sur le second Gandhi et sur Martin Luther King, tu te montres très critiques sur le Dalaï Lama, qui est pourtant célébré de nos jours comme l’héritier de la tradition non-violente.

Domenico Losurdo : Dans mon livre je cite un ex-fonctionnaire de la CIA, qui déclare tranquillement que la non-violence était un « écran » dont le Dalaï Lama se servait pour les relations publiques de la révolte armée qu’il stimulait au Tibet, grâce aux financements et aux arsenaux états-uniens. Cependant, cette révolte a échoué à cause du manque de soutien de la population. Cet ex-fonctionnaire de la CIA ajoute que, malgré cet échec, cette opération a fourni aux Etats-Unis des enseignements qui trouvèrent ensuite leur application « dans des lieux comme le Laos et le Vietnam », c’est-à-dire au cours de guerres coloniales qui ont été parmi les plus barbares du 20ème siècle.

Tandis qu’en récompense le Dalai Lama recevait à Washington reconnaissances et hommages, Martin Luther King organisait la contestation contre la guerre au Vietnam, et finissait par mourir assassiné pour cette raison justement.

L’antithèse entre Gandhi et le Dalaï Lama n’est pas moins nette. Le premier parle de « méthodes hitlériennes » et d’ « hitlérisme » à propos du bombardement atomique de Hiroshima et Nagasaki. Et ouvrons maintenant le Corriere della Sera du 15 mai 1998 : à côté d’une photo du Dalaï Lama les mains jointes en signe de prière on trouve un petit article dont le sens est clair dès son titre : « Le Dalaï Lama se range aux côtés de New Delhi : ‘Eux aussi ont droit à la bombe atomique’ », afin de contrebalancer —est-il précisé ensuite— l’arsenal nucléaire chinois. Evidemment pas un mot sur la menace que fait peser le puissant arsenal nucléaire états-unien, face auquel a été conçu le modeste arsenal chinois.

Et l’on pourrait continuer sur cette voie…

Marie-Ange Patrizio : Il y a autre chose ?

Domenico Losurdo : L’identification de Gandhi avec le mouvement anti-colonialiste est si forte que le 20 novembre 1938, tout en dénonçant la barbarie de la Nuit de cristal et des « persécutions antijuives » qui « semblent n’avoir aucun précédent dans l’histoire », Gandhi n’hésite pas à condamner la colonisation sioniste de la Palestine en tant qu’« incorrecte et inhumaine » et contraire à tout « code moral de conduite ». Il ne me semble pas que le Dalaï Lama ait jamais exprimé de sympathie à l’égard des victimes de la colonisation sioniste persistante, et il ne pourrait en être autrement étant donné que les protecteurs états-uniens de « Sa Sainteté » sont les principaux responsables, avec les dirigeants israéliens, de l’interminable martyre infligé au peuple palestinien.

Marie-Ange Patrizio : Outre le Dalaï Lama, tu t’exprimes en termes assez critiques aussi sur les « révolutions colorées », en les faisant d’ailleurs partir des incidents de la Place Tienanmen.

Domenico Losurdo : Les documents que nous avons à présent à notre disposition, et qui ont été publiés et célébrés en Occident comme révélation ultime de la vérité, les dits Tienanmen Papers, démontrent sans l’ombre d’un doute que les manifestations qui se sont déroulées à Pékin (et en d’autres villes de la Chine) au printemps 1989 ont été tout autre que pacifiques. Les manifestants avaient eu recours même à des gaz asphyxiants et avaient à leur disposition des outils techniques sophistiqués au point de pouvoir falsifier l’édition du Quotidien du peuple. Il s’est clairement agi d’une tentative de coup d’Etat.

Les « révolutions colorées » successives ont tiré profit de cet échec et ont mis au point des techniques plus sophistiquées, exposées et enseignées avec une patience pédagogique dans un manuel états-unien traduit dans les différentes langues des Etats à déstabiliser, et diffusé gratuitement et massivement. Ce manuel est une sorte d’ « Instructions pour le coup d’Etat » à effectuer avec l’aide des ambassades et de certaines fondations états-uniennes et occidentales. Je l’ai analysé minutieusement dans mon livre.

Je m’interroge —en faisant aussi référence aux événements récents en Iran, et en me servant toujours en majorité de sources et témoignages occidentaux— sur la signification stratégique qu’ont désormais pris, dans le cadre de la politique des changements de régimes, des outils comme Internet, Facebook, Twitter les téléphones portables etc.

Intégralité de l’entrevue ici

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