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O.N.G. - Extrême-orient(é)
20 avril 2012

Cambodge, année zéro

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Prêtre des Missions étrangères de Paris et résidant au Cambodge, François Ponchaud revient sur la condamnation à la prison à perpétuité de Douch, chef de la prison S21 à Phnom Penh où plus de 15.000 personnes ont été torturées et exécutées. Le père français juge que le procès de Douch, à l’instar des procédures en cours visant de hauts dirigeants du régime qui ont mis le Royaume à feu et à sang de 1975 à 1979, n’est qu’une mascarade. Il n’y voit qu’une initiative «colonialiste», visant à satisfaire une communauté internationale soucieuse d’imposer sa propre vision de la justice. Fin connaisseur du Cambodge, le père Ponchaud a été le premier à révéler les souffrances de la population à travers des articles dans Le Monde en 1979, puis dans son célèbre ouvrage Cambodge, année zéro (Juillard, 1977).

Que vous inspire la condamnation de Douch ?
Ce qu’à fait Douch est absolument monstrueux, inqualifiable et terrible. Aucun mot ne peut définir ce qu’il a fait. Mais si le condamner à la perpétuité semble valable selon la justice humaine, cela ne me paraît pas être le cas d’un point de vue cambodgien. Car Douch a été trompé, puisqu’on lui a demandé de collaborer avec la justice en lui promettant une peine plus douce. Or, il a demandé pardon. Et malgré cela, il écope de la peine maximale. Je sais bien que mon propos choquera les victimes qui se réjouissent de cette condamnation. Mais pour ma part, je ne sais pas si cette condamnation est une bonne chose.

Pourquoi ?
Parce que les Cambodgiens sont à 99% bouddhistes, et n’ont pas la même vision de la justice que nous. Comme le disait un jour un moine très en vue au Cambodge: «Vous les Occidentaux qui voulez jugez, vous avez le cœur mauvais, vous avez de la haine: faites comme nous et purifiez-vous intérieurement.» Et sous ce prisme, ce procès relève plus du colonialisme que de la profonde compréhension du peuple khmer, qui privilégie le consensus.

D’après vous, qu’aurait-il fallu faire ?
Je ne sais pas. Mais d’une manière générale, je suis opposé à ce procès qui est celui de l’hypocrisie et de l’injustice internationale. Pour mémoire, toute la communauté mondiale a soutenu les Khmers rouges pendant 14 ans, la France et l’ONU comprises. Et ce, même si je comprends très bien le contexte géopolitique de l’époque : celui du conflit sino-soviétique et de la fin de la guerre froide. A cet égard, je trouve un peu fort qu’on ne mette que maintenant le respect des droits de l’Homme en avant à travers ce procès. Celui-ci est aussi celui de l’injustice, puisqu’on oublie un peu vite, par exemple, ces grands américains qui ont rasé le Cambodge du 6 février au 15 août 1973. Alors un peu de bon sens…

Vous êtes donc également opposé au deuxième procès de trois plus hautes personnalités politiques du régime encore en vie, qui s’est ouvert fin 2011 ?
Oui, puisqu’on veut juger, alors qu’on juge l’intégralité des responsables Khmers rouges. Et dans ce cas, que l’ONU ait le courage de pointer les responsables du régime actuellement au pouvoir. Alors là, oui, je serais d’accord. Mais à défaut comme c’est le cas maintenant, la justice internationale se ridiculise.

Lorsque vous pointez les responsables au pouvoir actuellement, à qui pensez-vous ?
Je ne vous donnerai pas de noms, c’est trop dangereux. Mais certains, surtout parmi les conseillers et même des personnalités au pouvoir, ont les mains rouges de sang. Mais il sont passés du bon côté en 1977 ou 1978 [avant la chute de Pol Pot en 1979, qui fut le dirigeant politique et militaire du régime, Ndlr]. Mais  évidemment, l’actuel gouvernement ne veut pas entendre parler de nouveaux procès, ce qu’on peut comprendre.

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