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O.N.G. - Extrême-orient(é)
2 décembre 2010

« L’Empire du milieu du sud » vu par Alain Sanders

L_EMPIRE_DU_MILIEU_DU_SUD

C’est un documentaire. Mais beaucoup plus que ça. Réalisé par Jacques Perrin (qui fut jadis un émouvant sous-lieutenant dans La 317e Section de Schoendoerffer) (1) et Pierre Deroo (solide spécialiste de la chose militaire). Le sujet étant l’Indochine, inutile de dire que c’est avec un sentiment d’écorché (chat échaudé craint l’eau froide) que je suis allé le voir. Rasséréné pourtant par ce qu’en avait dit Jacques Perrin. Ce film impressionniste n’est pas un cours magistral, une leçon d’histoire. Il montre comment plusieurs générations se sont attachées à cette terre. Il y a une culture commune entre la France et le Vietnam. Nous sommes quelques-uns à avoir attrapé le « mal jaune » et à ne nous en être jamais guéris. Pour y avoir vécu dans les années soixante-dix, pendant la guerre dite « américaine » (en fait la guerre du libre Sud-Vietnam contre les envahisseurs vietminh) et jusqu’à la chute de Saigon et la plongée du Sud-Vietnam dans la nuit communiste, mon cœur est à jamais là-bas. Quelque part dans une rue de Danang, dans un sampan de Hué, sur les hauts plateaux de Ban Me Tuot. N’allait-on pas, une fois encore, une fois de plus, une fois de trop, nous bassiner avec les méchants « colons » et les gentils Vietcongs ? N’allait-on pas, une fois encore, une fois de plus, une fois de trop, faire le procès de la colonisation ? Eh bien, non ! Ce film est, de bout en bout, d’une honnêteté étonnante en ces temps de repentance. Jacques Perrin et Eric Deroo ne blâment ni ne louent, ils racontent. Le texte est dit par Jacques Perrin. Et il se marie parfaitement aux images : films de l’armée, archives inédites, document amateurs. A quoi s’ajoutent des extraits de romans, des lettres de soldats, des témoignages poignants. On ne dit pas que la colonisation fut une vallée de roses (quelle entreprise humaine le serait ?) Mais on ne dit pas non plus que ce fut l’enfer. « Ce film a nécessité douze années de sélection, de montage, de numérisation et trois ans de recherche », indique Jacques Perrin. « Nous avons visualisé des milliers d’heures de films », précise Eric Deroo. Par-delà le souffle lyrique – ce film est d’abord un poème – qui nous prend le cœur, il y a la souffrance des combattants. De quelque camp qu’ils furent. La mort à vingt ans. Dans des conditions de souffrances indescriptibles (les images à la sortie des camps de la mort vietminh n’ont pas été oubliées). Mais dans un décor exotique où la nature est superbe, où les femmes sont belles comme un premier matin sur le Mékong, où « les enfants perdus de l’Histoire » furent des êtres de chair et de sang. Si je t’oublie jamais, Vietnam… Mais comment t’oublier toi qui, demain, t’arracheras à l’esclavagisme communisme pour essayer – enfin – d’être toi-même.

article de Alain Sanders, Présent du 2/12/10

(1) Le sous-lieutenant Torrens secondé par l’adjudant Windsdorf (le plus grand rôle de Bruno Cremer).

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