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O.N.G. - Extrême-orient(é)
2 octobre 2010

Mission humanitaire en Birmanie de Casapound et Popoli: Gianluca raconte son voyage chez les Karens (Troisième épisode)

La liberté, fille de la tragédie.

«Tu te rends compte de combien de temps tu as dormi ?». Franco (Popoli) est devant moi, caméra vidéo à la main et qui rit au travers de sa moustache. «Quelle heure est-il?» Je cherche une diversion, une sorte de justification… J’ai dormi depuis 17h. hier après-midi comme si je n’avais pas dormi depuis des années ou comme si je ne pourrais plus jamais dormir. Au cœur de la jungle, entouré de soldats, avec les Birmans qui patrouillent, je devrais être alarmé. Pourtant ce n’est pas le cas, je suis relax, je me sens en sécurité, loin de tout danger. La nuit fut calme, il n’a même pas plu. Tout le monde est encore dans son hamac, sans une chaise ou une table ou s’asseoir ou une lampe pour lire.

Franco me dit que dans ce type de situation, c’est toujours ainsi. Certains jours on peut dormir toute la journée, d’autre fois on ne dort jamais. Il faut s’adapter. La patience est indispensable, c’est elle qui commande. Cela fait 60 ans que les Karens vivent comme cela. Je me retourne et les regarde, ils sont jeunes, en uniformes, ils s’activent pour refaire les sacs, cuisiner, prêts à reprendre la marche.

Ces garçons sont nés dans ces conditions et ils continuent la même guerre que leurs grands parents. Bien qu’ils soient jeunes, ils ont choisi sans contrainte d’être soldat plutôt que de vivre dans un camp de réfugié. Ils le font malgré les besoins qu’ont tous les adolescents de se divertir. Ils se tatouent le nom de jeunes filles sur les bras. Il y a quelque chose de grand chez ces jeunes gens. Quelque chose qui va plus loin. Quelque chose de beau et romantique. C’est le courage absolu, un choix conscient, c’est l’attitude de la liberté. La liberté avec un L majuscule, la vrai, la fille d’une tragédie.

Alors que je sors du hamac, je me rhabille rapidement, le soldat Poh-Boh me salut et m’invite à prendre un petit-déjeuner autour du feu. Cette nuit, ils ont capturé un cobra de un mètre cinquante. Ils le cuisent délicatement, il suscite une certaine envie chez tous les soldats réunis autour du feu. Poh Boh, quand il n’est pas en expédition dans la jungle est le chauffeur de Nerdah Mya. Il l’accompagne dans tous ses déplacements. C’est un des soldats les plus sympathiques, aussi peut-être, car il parle un peu anglais. 

Poh Boh est drôle, il sait que pour nous, occidentaux, le serpent n’est pas forcément un plat de choix. Du coup il m’appelle et me donne un gros morceau de cobra devant tous les autres soldats avec un grand sourire. C’est un petit déjeuner inhabituel mais je dois avouer que la viande est bonne. Cela rappelle un peu le poulet. Poh Boh me regarde et sourit, satisfait finalement que j’aime ça.

«Nerdah dit que nous ne pourrons pas rejoindre Populata : il y a des troupes birmanes qui rôdent sur cette route et il ne veut pas les affronter avec nous au milieu. Il a déjà envoyé des hommes là-bas pour défendre le village en cas d’attaque.», explique Franco. «Nous devons revenir sur nos pas.» Je comprends la situation et ne discute pas, même si j’ai du mal à cacher ma déception. Pourtant je sais que Nerdah a fait le meilleur choix. Huit civils à protéger serait un casse-tête. Sur le chemin du retour, Nerdah se rapproche de moi et me fait écouter son talkie-walkie : on entend parler birman. Les Karens écoutent leurs fréquences pour les espionner et savoir où ils se rendent.

Tous en file indienne, nous revenons à notre point de départ. Il fait très chaud et l’humidité est record. C’est la saison des pluies sans pluie. Nous arrivons bientôt dans une clairière qui est en fait une scierie, elle est à un kilomètre du camp de base. Nous sommes presque arrivés. On décide alors d’y manger. On se déshabille pour aller se baigner dans la rivière fraiche, c’est très agréable après cette pénible marche.

Après le repas composé de maïs et nouille, nous repartons. Il est 15h. quand nous arrivons au camp. Les soldats se changent, ils enfilent des shorts et t-shirts et se lancent dans des parties de Tennis-football. Nous sommes moins vaillants qu’eux après les deux derniers jours de marche dans la jungle. «Ils sont jamais fatigués ceux-là !» me glisse Fabio en souriant. Fabio est un volontaire de Popoli. Il vient de Peruggia et est un excellent compagnon de voyage. «C’est peut-être à cause des noix de bétel qu’ils mâchent en permanence» ironise Rodolfo, le médecin, qui, en fait, a interdit aux Karens de faire cela en sa présence. Certains karens prétendent que la noix de bétel leur donne beaucoup de force mais d’après Rodolfo, elle est extrêmement toxique. Ils la mastiquent comme du chewing-gum, les dents deviennent alors rouges sang.

Il y a un garçon au camp qui se nomme Roekhee. Il sourit tout le temps et porte toujours un t-shirt de Popoli. Roekhee est un de ceux qui se charge de la cuisine même si toute la journée, il la passe à effectuer diverses missions dans la jungle. Il ne s’arrête jamais. Il a une prothèse à la jambe droite, souvenir d’une mine anti-personnelle. C’est lui qui nous apporte le diner et, souriant, nous demande comment s’est passé notre périple. Nous commençons à discuter, à rire et à blaguer dans la lumière vacillante des bougies. À quelques pas de nous se trouve Johnny qui joue des chansons karens à l’aide de sa guitare. Jouer le tient éveillé durant son tour de garde.

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