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O.N.G. - Extrême-orient(é)
27 mars 2009

Sándor Kőrösi Csoma : le père de la tibétologie

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Alexandre Csoma de Kőrös (Sándor Kőrösi Csoma) est né le 27 mars 1784 à Kőrös (en Transylvanie, aujourd'hui Chiuruş) dans une famille de petite noblesse pauvre d’ascendance Sicule (minorité hongroise de Roumanie). En 1799, il est envoyé par son père au collège Bethlen de Nagyenyed , un établissement protestant de haute renommée. Il acquiert une bonne connaissance du latin et du grec classiques et dans cette période d’éveil national se passionne pour l’histoire des origines du peuple hongrois. Ses examens passés, il complète sa formation en étudiant la philosophie (pendant trois ans) et la théologie (pendant quatre ans). Dès cette époque s’affirme la grande idée de sa vie : retrouver le berceau de ses ancêtres magyars.

En 1816 il s’inscrit à l’Université de Göttingen et se lance dans l’étude des langues orientales. Il assiste aux cours de Blumenbach, naturaliste et précurseur de l’anthropologie moderne, et étudie l’arabe et le turc avec Eichhorn, orientaliste de renom qui attire son attention sur l’importance des sources historiques arabes. Il prend aussi connaissance des idées de Klaproth concernant l’existence supposée de liens entre les Hongrois et les Ouïghours. À l’issue de ces deux années, il peut lire et écrire treize langues. Après des années pendant lesquelles il s’est longuement préparé par l’étude, son projet a mûri. Le 25 novembre 1819, à trente-cinq ans, il quitte Nagyenyed ; quatre jours plus tard, il passe la frontière de son pays et se dirige vers l’Orient.

Il part à pied, avec le minimum de bagages et peu d’argent. Entre-temps, son plan avait changé : n’ayant pu obtenir le passeport indispensable pour traverser la Russie, il s’engage vers le sud en direction de Constantinople, via Bucarest et Sofia, muni d’un simple laissez-passer rédigé en hongrois. C’est le début d’un voyage qui va le conduire jusque dans l’Himalaya. L’aventure est émaillée d’imprévus qui l’obligent à modifier son parcours et retardent sa progression. À peine est-il arrivé à Constantinople qu’une épidémie de peste sévissant dans toute l’Anatolie le contraint à s’embarquer pour l’Égypte. Parvenu à Alep, il reste plus de sept semaines dans l’attente d’une caravane. Lors de sa traversée de l’Afghanistan en proie à la guerre civile, il rencontre dans la passe de Khyber, deux officiers français, Allard et Ventura, qu’il accompagne jusqu’à Lahore.

Près de la frontière du Cachemire, il rencontre l’Anglais William Moorcroft, vétérinaire et explorateur qui regrette le peu d’attention accordée au monde tibétain et déplore l’absence d’un dictionnaire et d’une grammaire de la langue tibétaine. Le seul ouvrage existant était l’Alphabetum Tibetanum du père Georgi, paru à Rome en 1762, une compilation pesante, confuse et de peu d’usage. Encouragé par Moorcroft, Csoma décide de se consacrer à l’étude du tibétain. Revenu à Srinagar, il s’attèle pendant cinq mois à l’apprentissage de cette langue et de cette culture alors inconnues. Il espérait aussi trouver dans ses études tibétaines des sources relatives à l’histoire des Hongrois. En réalité, ce qu’il considérait comme une « occupation temporaire » allait durer près de dix ans.

De juin 1823 à octobre 1824, il séjourne au Zanskar, ancien royaume himalayen dépendant du Ladakh, où dans les conditions les plus dures, il passe près d’un an et demi au monastère de Zangla afin d’assimiler les fondements de la langue tibétaine classique. Il est pris en charge par un moine érudit, le lama Sangye Phuntsog, et accroît rapidement ses connaissances. Lors de ce séjour, il compulse un grand nombre d’ouvrages en tibétain ayant trait à l’histoire, à la géographie, à la médecine et à la littérature et se constitue un lexique de vingt mille mots avec l’aide de deux autres lamas. Il vit de manière ascétique dans une cellule étroite, sans chauffage ni feu ; sa principale pitance est faite de thé de yak beurré et d’orge.

En octobre 1824, en butte à la méfiance des autorités britanniques qui le soupçonnent d’être un espion, Csoma rédige à leur demande un rapport sur le but de son voyage et les circonstances fortuites qui l’ont conduit à entreprendre ses études tibétaines. Les Britanniques modifient leur attitude ; ils jugent son travail utile et lui donnent les moyens matériels pour poursuivre son activité. Fort de ce soutien, il retourne au Zanskar. En novembre 1825, il s’installe à Phuktal, la plus spectaculaire construction monastique du Ladakh. Son travail avance peu, mais il rapporte des matériaux importants que son lama lui a préparés.

Mi-juin 1827, il est à Kanam, au nord du comté indien de Bishawar, où il va travailler trois ans et demi sur l’intégralité du canon bouddhique tibétain, soit un ensemble de 4569 textes différents. Traduits du sanscrit entre les VIIe et IXe siècles, ces textes furent ensuite retraduits dans les langues mongole, mandchoue et chinoise à partir du tibétain. Il a retrouvé son maître Sangje Phuntsog et travaille dans un environnement favorable. Cette période est la plus féconde. Il achève sa grammaire et son dictionnaire tibétains, prépare une version anglaise de la terminologie bouddhiste et rassemble de nombreux matériaux ayant trait à la littérature tibétaine, dont le bouddhisme constitue l’assise.

En 1831, à l’invitation de la Société asiatique royale, il se rend à Calcutta et établit le catalogue raisonné des ouvrages acquis et de préparer l’édition de son dictionnaire et de sa grammaire. En 1833, il est désigné membre correspondant de la Société des savants hongrois. En janvier 1834 paraissent aux Presses de la Mission baptiste de Calcutta sa grammaire tibétaine et son dictionnaire tibétain-anglais, deux ouvrages pionniers établis sur des bases scientifiques et ouvrant la voie à une nouvelle branche de la linguistique orientale : les études tibétaines. Le 20 mars 1834, Csoma est élu à l’unanimité membre d’honneur de la Société asiatique du Bengale.

De 1835 à 1837, il se rend dans la région de Malda, au nord du Bengale, dans le but est d’approfondir sa connaissance du sanscrit et d’apprendre le bengalais et le marathi, afin de voir ce qui les rapproche du hongrois. Dans la préface à son dictionnaire tibétain, il relevait l’« analogie étroite » entre la structure du sanscrit et celle des autres dialectes indiens avec le hongrois. Ses recherches ne donneront pas les résultats escomptés. De retour à Calcutta, il devient bibliothécaire en chef de la bibliothèque, couvrant l’ensemble des collections orientales. A ce stade, il peut lire ou écrire vingt langues.

En mai 1841, il démissionne de son poste de bibliothécaire et revient à son dessein initial : retrouver le berceau des Hongrois. Son intention est de se rendre à Lhassa, puis de continuer sa route à travers les immenses contrées tibétaines et au-delà jusqu’aux steppes mongoles. Il quitte Calcutta le 9 février 1842 et se dirige à nouveau vers le nord. En cours de route, il contracte la malaria et meurt le 11 avril 1842 à Darjeeling sans avoir atteint le Tibet.

kk

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