c’est bien en Indochine que j’ai laissé la moitié de mon cœur
Ce retour est terrible. Nous avons l’impression d’être des pestiférés. On nous fuit. L’Etat-Major est gêné par notre retour. Sommes sa mauvaise conscience. Il devrait plutôt se rappeler ces milliers de héros anonymes, morts pour la France et qu’on a trop vite oubliés.
Je rencontre le général Cogny. Décontracté, paraissant sûr de lui. Je souffre. Un soir je suis invité à une réception avec tous les haut-gradés. Nappe blanche, serveurs, grands uniformes. Je ne peux m’empêcher de regarder toute cette nourriture ; ça aurait permis à plusieurs d’entre nous de tenir.
Quelques jours après, on nous expédie à Saïgon, puis direction la France. On continue à nous cacher. Aucune reconnaissance pour nos camarades morts, nos souffrances. Il faut tourner la page… Mais c’est bien en Indochine que j’ai laissé la moitié de mon cœur.
Ma guerre d'Indochine, Bigeard