L'ONU contre le Timor-Oriental
A l’origine du drame du Timor-Oriental, il y a le non-respect d’un
droit reconnu à tous les peuples et que l’Indonésie elle-même s’était
engagée à respecter. Ses représentants à l’ONU n’affirmaient-ils pas,
en 1961 et en 1962 : « Nous déclarons catégoriquement (...) que nous
ne revendiquerons pas l’autre moitié du Timor. » En 1974, le ministre
indonésien des affaires étrangères, M. Adam Malik, confirmait encore
dans une lettre à M. Ramos-Horta : « L’indépendance est un droit de
toutes les nations, et le peuple du Timor-Oriental ne fait pas
exception. »
Pour la communauté internationale, ce droit est indiscutable. En
décembre 1975, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté à
l’unanimité une résolution « reconnaissant le droit inaliénable du
peuple du Timor-Oriental à l’autodétermination et à l’indépendance ».
Il demandait aussi « au gouvernement indonésien de retirer sans délai
toutes ses forces du territoire ». Les États-Unis, qui avaient
secrètement donné leur accord à l’invasion - c’était l’époque de la fin
de la guerre du Vietnam, et l’Indonésie était leur alliée - votèrent
malgré tout cette résolution : ils pouvaient difficilement faire
autrement, compte tenu du vote de l’assemblée générale, qui avait
précédemment demandé à une forte majorité (72 pays) au gouvernement
indonésien de « cesser de violer l’intégrité territoriale du Timor
portugais », 10 pays seulement votant contre. L’ONU considère toujours
officiellement le Timor comme « un territoire autonome sous
administration portugaise ».
Pourtant, très vite, les grandes nations, celles qui avaient le plus
d’intérêt à développer de bonnes relations économiques avec
l’Indonésie, géant du Sud-Est asiatique, ont oublié le peuple du Timor
et ses droits. Six mois après cette première résolution, le Conseil de
sécurité votait une deuxième résolution, identique, mais, cette fois,
les Etats-Unis et le Japon s’abstenaient.
Toutes les résolutions votées par l’Assemblée générale de l’ONU
jusqu’en 1982 ont mentionné le « droit inaliénable à
l’autodétermination » du Timor-Oriental et ont exprimé une « profonde
préoccupation pour les souffrances causées au peuple » de ce
territoire. Alors que les Etats-Unis et le Japon ont systématiquement
voté contre et que les grands pays européens se sont abstenus,
l’Australie est allée jusqu’à reconnaître de jure l’intégration du
Timor-Oriental dans l’Indonésie. Les puissances alliées de l’Indonésie
veillent à ce qu’aucune mesure concrète ne gêne leur partenaire ni ne
perturbe le cours de leurs affaires communes.
L’inefficacité des résolutions votées par l’Assemblée générale des
Nations unies a fini par effriter le bloc favorable au Timor. En 1982,
devant le risque de voir disparaître la majorité qui défendait
l’application de la Charte au bénéfice de ce territoire, l’Assemblée
générale de l’Onu a confié la question au secrétaire général. Celui-ci
fut chargé d’amener les parties directement concernées - l’Indonésie,
le Portugal et les Timorais - à dialoguer sous son égide. Sa médiation
ne fut pas plus efficace que les résolutions de l’Assemblée générale.
Forte de l’appui de ses alliés, l’Indonésie n’a jamais accepté que les
Timorais soient associés aux conversations. Celles-ci se sont
prolongées jusqu’en 1991, sans résultat significatif. Elles n’ont
d’ailleurs porté que sur des problèmes marginaux, Djakarta refusant de
traiter les questions de fond.
Jean-Pierre Catry (Monde Diplomatique - Dec 96)