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O.N.G. - Extrême-orient(é)
4 décembre 2008

La chambre redevint silencieuse

op

La chambre redevint silencieuse ; elle était charmante cette chambre, avec ses murs tendus de draperies soyeuses sur lesquelles de grandes aigrettes brodées ouvraient leurs ailes blanches et des dragons symboliques déroulaient les anneaux de leurs corps monstrueux. Des sentences chinoises aux caractères biscornus s'enroulaient autour des portes et, dans les coins, de grands vases bleus contenaient tout un fouillis de plantes, de bambous légers montant en fusées vertes, de chamærops aux feuilles déployées ainsi qu'un éventail, de sicas dentelés, et tous ces tons d'or, de laque rouge et noire, de fraîche verdure, de soies chatoyantes, s'adoucissaient dans la lumière tamisée des lampes, se fondaient en une harmonie paisible et propice à la rêverie.

L...., saturé d'opium, restait immobile et silencieux; son visage, vivement éclairé, montrait sa peau verdâtre, ses os proéminents ; son pauvre corps, perdu dans les larges plis d'un cai-quân de soie, ne se trahissait que par la saillie aigüe des genoux. Cette immobilité, ce suicide lent nous attrista et nous partîmes sans qu'il s'en aperçut.

Dans les rues noires, le parfum pénétrant de l'opium flottait toujours; nous comprenions maintenant ce silence de mort qui enveloppait la ville comme un suaire et une pitié nous vint au cœur pour cette race déchue, réduite à fuir la vie, ayant l'inertie pour idéal.

Croquis tonkinois de  L. Yann. (1889)

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