De Corse en Chine
ONG : Peux-tu te présenter ?
VP : Von Pepino, Corse, de formation littéraire (ratée), ancien officier
TAP (paras), chef d'entreprise en Chine.
ONG : Ta décision de partir loin de ton pays fut-elle difficile à
prendre ? Quel fut le déclic ?
VP : Non, les Corses partent... Ils sont toujours partis, au siècle
dernier pour construire la "plus grande France", au siècle
précédant pour aller faire fortune en Asie ou aux Amériques, ou plus
simplement sur "le continent".
C'est chez nous une tradition familiale, mon arrière grand-mère, est
partie en 1916 pour rejoindre sa première affectation d'institutrice
à Gafsa, ville minière du sud tunisien. Cette sainte Laïque apprenait
"nos ancêtres les Gaulois" à 80 Enfants tout en soignant
les épidémies de Trachome, alors que son "promis" se battait
devant Douaumont...
De l'aïeul qui commandait la place militaire de Nankin, aux gérants
paludéens de plantations de L'AOF et d'Annam, de conquêtes coloniales
en décolonisations ratées, la plupart de mes ascendants sont partis,
et le plus souvent revenus... Parfois cousus d'or, souvent couturés,
toujours transmettant le mal jaune, ou d'Afrique, à la génération
suivante qui s'empressait d'aller voir si les sables du grand Erg étaient
aussi chauds que ceux de Mui Né.
Donc, en ce qui me concerne aucun "déclic", je m'inscrivais
juste dans la tradition, tout en me sachant déjà étranger à la France
"narbonoïde" et avilie de la fin des années 90.
ONG : La vie en chine te plait-elle ? Peux-tu y faire ce que tu faisais
avant en France (ou pouvais faire avec de nombreuses contraintes) ?
VP : Oui la vie en Chine est agréable. Le motocycliste n'est pas contraint
au port du casque, ce qui est la marque des grandes civilisations...
J'y fais tout ce que je pouvais faire en France, et presque tout ce
qui est interdit chez nous.
Pour nous autres "immigrés" en Chine, la règle du jeu est
simple, il s'agit de se comporter avec la courtoisie que tout hôte
est en droit d'attendre de ses invités. Il n'est jamais question d'assimilation
ou d'intégration et les Chinois font preuve d'une très, parfois trop,
grande tolérance à l'endroit des singulières coutumes des "Gweil-lo/po".
ONG : Militais-tu en France ? Milites-tu depuis la Chine ?
VP : Je ne sais pas si le terme militer convient. Chez nous, c'est encore
un fois une histoire d'identité, de fierté, d'enracinement, de sens
du devoir et de l'honneur commun à beaucoup de peuples chrétiens de
la Méditerranée...
Si s'assurer que l'on reste maître chez soi et que les invités ne
deviennent pas des envahisseurs c'est militer, alors oui je militais
en France...
Pour ce qui est de militer depuis la Chine, à part financer quelques
bonnes œuvres je ne vois pas trop...? Mais bon 12 heures d'avion ce
n’est pas si long en particulier avec un bon livre...
ONG : Es-tu patriote corse ? Quelle fierté as-tu d'être de l'Ile de
Beauté ?
VP : Oui je suis patriote Balagnais, Corse, Français, Européen. Pour
ce qui est de la fierté d'être Corse, Ça serait long et compliqué
à expliquer. Je t'invite donc au village cet automne et tu comprendras
tout...
ONG : Ancien officier parachutiste, comment vois-tu l'armée française
actuelle et l'armée chinoise ?
VP : L'armée est à l'image du pays... En France elle à honte d'être
une armée, honte de ses traditions, l'ethnomasochisme y est à l'image
du reste de la nation. Déjà, quand je servais, des poireaux géniaux
parlaient, entre autre, de "casser le mythe du Para...".
J'ai eu récemment l'occasion de parler à de jeunes lieutenants et
adjudants chefs de sections d'infanterie (le plus beau métier du monde
après celui de commandant d'unité) et j'étais atterré par le formatage
-confinant à l'émasculation- dont ils avaient été victime. C'est
à la fois triste et très inquiétant...
Quant à l'armée Chinoise elle est aussi à l'image du pays... Patriotique,
enthousiaste et sans complexes...