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O.N.G. - Extrême-orient(é)
8 avril 2014

Mikhail "Borodine", celui qui exporta la révolution en Chine

800px-Borodin_in_Nanchang

Mikhail Gruzenberg de "Borodine" naît en 1884 dans une famille juive de la région de Vitebsk, en Biélorussie, et adhère au POSDR (parti ouvrier social-démocrate de Russie), section bolchevique, dès l'âge de dix-neuf ans. Ses activités révolutionnaires n'ayant pas tardé à attirer l'attention de la police tsariste, il quitte le pays en 1907 pour les Etats-Unis où il vivra les onze années suivantes. Il organisera même à Chicago une « école » destinée aux émigrés. Arrive la révolution de 1917, qualifiée de grande annonciation. Gruzenberg rentre en Russie en 1918 et trouve immédiatement à s'employer comme agent du Komintern. On l'envoie prêcher la bonne parole dans des pays aussi divers que le Mexique, les Etats-Unis, la Turquie, la Scandinavie ou le Royaume-Uni.

En 1923, changement complet de décor : cet internationaliste chevronné est envoyé en Chine où il jouera un rôle essentiel durant les quelque cinq années suivantes. Il y sera en effet L'homme de Moscou avec tous 1es pouvoirs et l'influence que cela suppose. Cet immense pays est alors dirigé depuis 1911 par Sun Yatsen, chef du parti nationaliste Kuomintang. En proie à l'anarchie et aux désordres en tous genres, le pays a besoin d'assistance. Sun Yat-sen considère l'URSS, dont les méthodes sont sensiblement les mêmes que les siennes, comme un allié naturel. De son côté, l'URSS bolchevique, plutôt isolée diplomatiquement, lorgne du côté du potentiel énorme que représente une Chine à laquelle elle brûle de communiquer le feu de la révolution. Elle ne doute pas de réussir à transformer la fièvre nationaliste en fièvre internationaliste. Dès 1920, des contacts étroits s'établissent entre les deux pays, qui débouchent sur un accord fom1el en 1923. C'est dans ce contexte que Moscou envoie Gruzenberg-Borodine comme conseiller politique très spécial auprès de Sun Yat-sen.

Il s'attelle immédiatement à la tâche essentielle qui consiste à réorganiser le parti Kuomintang (KMT) sur le modèle hyper centralisé bolchevique, avec une armée disciplinée et bien entraînée. De son côté, le parti communiste chinois, créé en 1920, dûment encadré par le Komintern, est poussé à la coopération - en attendant mieux - avec le KMT. Dans cette perspective, bon nombre de ses membres sont placés par Borodine à des postes-dés. Un certain Mao Tsé Toung dirigera à cette époque le secteur propagande du KMT tandis que Chou-Enla'i est commissaire politique adjoint à l'académie militaire de Whampoa. En un an, Borodine réussira à infiJtrer tout l'appareil du KMT. Il formera aussi idéologiquement son secrétaire-interprète, promis à un bel avenir : Hô Chi Minh. En 1924, le Kuomintang s'allie officiellement avec l'Union soviétique. C'est la lune de miel. Subsides, matériel militaire, experts soviétiques, affluent aussitôt. De leur côté, des Chinois - dont Tchang Kaï-chek - se rendent en URSS afin d'y prendre des leçons de révolution et d'agitprop qui leur seront bien utiles par la suite. Mais voilà que Sun Yat-sen meurt en 1925 et que son gendre, Tchang Kaï-chek, prend le pouvoir. Débute alors une période de troubles intenses, de renversements d'alliance sur fond de guerre civile et d'affrontements entre nationalistes et communistes.

De tàit, Tchang Kaï-chek, conscient de l'influence grandissante des communistes, rompt l'alliance en 1926 et commence à purger le Kuomintang de ses éléments indésirables. Le conseiller Borodine est désormais sur la sellette. Il a si bien contribué à renforcer le Kuornintang que ce dernier peut désormais se passer de ses services. Il assiste au saccage de l'ambassade soviétique à Pékin et à la saisie de documents secrets dont l'un notamment détaillait le plan soviétique pour la bolchévisation de la Chine par la terreur, la guérilla et l'infiltration. Moscou ordonnera par la suite aux communistes chinois de se révolter, ce qui conduira à la guerre civile. En attendant, c'est le fiasco dont Borodine est rendu responsable. En 1928, il est rappelé à Moscou où il devient urgent pour lui de se faire oublier. Adoptant dès lors un profil bas, il dirige de 1932 à 1949, strictement dans la ligne prescrite, l'agence Tass ainsi que le Moscow Daily News. Étonnamment, il parvient à échapper aux purges de 1937-38 qui verront pourtant la fin de la carrière de bon nombre Agents du Komintern engagés dans le sillage de Zinoviev. Mais il est rattrapé par la chasse aux « juifs cosmopolites » qui s'intensifie après la Seconde guerre. Classiquement accusé d'être« un ennemi de l'URSS », il est arrêté en 1949 et mourra dans un goulag en Sibérie deux ans plus tard, en 1951.

André Malraux, le gaulliste « de gauche » qui écrivit cette phrase extraordinaire : « Le communisme en URSS n'a pas supprimé la souffrance, mais il lui a donné un sens», a mis en scène Borodine dans son roman Les Conquérants publié en 1928. La ville de Vitebsk s'enorgueillit de deux célébrités nées à la même époque : Moishe Zakharovich Shagalov, plus connu sous le nom de Marc Chagall, y voit le jour en 1887. Quoique aîné d'une modeste famille juive de neuf enfants, il aura la possibilité de partir à Paris en 1911, grâce à une bourse, afin d'y étudier l'art. Il mourra à Saint-Paul de Vence en 1985. Entre-temps, enthousiasmé par la grande révolution libératrice, il avait été, de 1918 à 1920, commissaire politique aux Beaux-Arts de la province de Vitebsk. Trois ans plus tard, en 1890, naît dans la même ville le futur sculpteur Ossip Zadkine. Ce fils d'un intellectuel juif converti à l'orthodoxie est envoyé en 1905 par ses parents étudier l'anglais en Angleterre. Il y apprendra surtout la sculpture et fera ensuite en Europe la carrière que l'on sait. Il mourra à Paris en 1967.

Anne Kling - Revolutionnaires Juifs

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