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O.N.G. - Extrême-orient(é)
21 janvier 2014

Onoda : un héros mort dans son lit

Sans titre

Le sous-lieutenant japonais Onoda Hirō vient de mourir (16 janvier 2014). Il avait poursuivi, seul, la Seconde Guerre mondiale jusqu’en 1974, sur la petite (30 km x 10 km) île de Lubang (Philippines). Né en 1922 dans une région rurale, il fut un élève médiocre, pourtant passionné de kendo (sabre de bambou), et se mit au travail à 17 ans, d’abord pour fuir une famille avec laquelle il s’entendait mal. L’escapade le conduisit jusqu’en Chine, au service d’une société d’import-export. Travailleur, Onoda, mais fumant comme un pompier, et au dancing tous les soirs. Pas vraiment le profil d’un samouraï héroïque ! Mai 1942 : il est incorporé dans l’infanterie. En septembre 1944, parvenu au grade d’aspirant, il intègre une école d’espionnage. Trois mois plus tard, il est envoyé aux Philippines, où on lui confie une mission de renseignement et de guérilla sur l’île de Lubang, avec cet ordre : « Ne capitulez jamais ! ». Fin février 1945, 4 000 US Marines nettoient l’île au lance-flammes, balayant la garnison japonaise de 450 hommes, presque tous malades ou blessés avant même l’ouverture du bal.

Désormais sous-lieutenant, Onoda se replie dans la jungle avec six camarades. Puis trois. Le dernier est tué en 1972. Et notre héros reste seul, blindé dans un délire paranoïaque, insensible aux tracts qui pleuvent pour lui apprendre que la guerre est finie. Il se procure une radio à transistor : les émissions de Radio Tokyo lui semblent des provocations américaines destinées à le démoraliser. Ses frères et sœurs sont convoyés à Lubang pour l’appeler à se rendre, arpentant l’île avec des haut-parleurs. Il pense que le barbare étranger les y a contraints. C’est finalement un journaliste japonais qui parvient à l’apprivoiser, en campant seul dans sa jungle. Il rend son sabre intact au président philippin Marcos. La presse internationale lui tombe dessus. Il lui déclare : « Pas un seul instant de bonheur en trente ans. » À l’époque, cette affaire me remue profondément. Trotskiste non moins fanatique et paranoïaque que le soldat impérial perdu, je m’y identifie, et je nous compose une « Ode à Onoda » qui s’achève ainsi :

« Nous ne ferons pas le printemps,
mais nous n’en demandons pas tant,
aussi cons que des hirondelles,
et sans savoir à quoi, fidèles ! »

Patrick Gofman

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