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O.N.G. - Extrême-orient(é)
23 août 2013

Nous venions d'entrer au Cambodge

Sans titre

« Il y a environ deux cent quatre-vingt kilomètres de Saïgon à Phnom Penh, capitale du Cambodge et terme de ma première étape. Je commençai par bénir l'allure de l'automobile qui faisait de son mieux pour m'épargner la vue de l'horrible paysage que nous étions en train de traverser, ces interminables étendues de boue noirâtre, d'où émergent une infinité de petits piquets symétriques, qui sont des plants de riz. De temps en temps, il y avait un piquet plus grand, qui était un marabout, sorte d'ignoble échassier au plumage galeux, et de temps à autre, un piquet plus grand encore, qui était un homme. Celui-ci, chose inouïe, pêchait à la ligne, et, chose plus inouïe, il avait l'air de prendre du poisson, tandis que l'eau à laquelle il arrachait cette proie bizarre continuait de demeurer invisible. Il régnait sur ce panaroma cauchemardesque une lumière blafarde, tombant d'un ciel qu'on ne voyait pas, mais qu'on sentait de force à assommer l'imprudent qui aurait, une seconde, retiré son casque ». (...) « Tout changea. J'eus la stupéfaction de voir en quelques instants cette immensité humide et lépreuse faire place à une des natures les plus agréables du monde. Les noires plaines marécageuses devinrent des prairies étoilées de colchiques et de cyclamens. La boue se transforma en aimables étangs fleuris de lotus et de lentisques. Sur leurs bords, au lieu des hideux marabouts, se promenaient nonchalamment de grands oiseaux blancs, dont les uns, veinés de rose, étaient des flamants, et les autres, casqués de rouge, des grues Antigone. Les misérables petits pêcheurs fiévreux s'étaient changés en paysans rieurs, dont la vêture plus que primitive laissait apercevoir les beaux corps d'acajou. Nous venions d'entrer au Cambodge ».

Pierre Benoit - Le Roi lépreux

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