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O.N.G. - Extrême-orient(é)
8 juillet 2013

Les seismes de Anshan et Tangshan

quake1976ChinaTangshan

Quelques cas de prédictions réussies, de catastrophes qui auraient ainsi été évitées, sont généralement présentés comme des victoires de l’esprit sur la matière, laissant entrevoir des lendemains qui chantent et annonçant le prochain Paradis sur Terre où, grâce à la Science, la marâtre Nature sera enfin devenue notre Mère ; à l’analyse, tous ces cas se révèlent fortuits et on peut leur opposer des contre-exemples beaucoup plus nombreux. La sismologie chinoise, la plus ancienne et la mieux documentée du monde, l’a clairement montré.

Anshan (04/02/1975)

À la suite de deux séismes successifs, ML 6,8 puis 7,2, qui firent sans doute beaucoup plus que les 8 000 victimes officielles dans la région de Xingtai, à l’ouest de la Grande plaine du Nord en mars 1966, les autorités chinoises lancèrent une campagne de prévision des séismes à l’échelle de leurs moyens humains, administratifs et matériels, qui étaient considérables. Tout ce qui était alors réputé permettre la prévision d’un séisme fut étudié, testé puis mis en œuvre, observations scientifiques de terrain et de laboratoire, observations traditionnelles et routinières comme la turbidité des eaux des puits, les comportements anormaux d’animaux... La basse vallée industrielle du Lia-ho, très peuplée, sismiquement calme depuis le milieu du XIXe siècle, fit l’objet de toute l’attention des sismologues chinois, car de nombreux petits séismes se rapprochaient d’elle depuis Xingtai, sans doute le long d’un même système sismique, un rift qui oriente la Grande plaine du nord, le golfe de Bohai et la basse vallée du Lia-ho. À partir du 1er février 1975, les observations scientifiques et traditionnelles semblaient indiquer qu’un violent séisme allait se produire dans la région du Liaoning, vers Anshan-Haicheng-Yingkou, au fond du golfe du Liaotoung ; le 4 février vers le milieu de la journée, les autorités demandèrent aux habitants disciplinés, préalablement informés et entraînés, de sortir de chez eux malgré un froid rigoureux, ce qu’en fait, ils avaient déjà fait d’eux-mêmes, affolés par plusieurs rafales de petits séismes précurseurs, et de se préparer à affronter les effets d’un violent séisme dans moins de 24 heures : il se produisit dès le début de la soirée, à 19h36, ML 7,4 ; les dommages matériels furent considérables, car tout a été détruit sur un vaste territoire, bâtiments, ponts, routes..., mais il n’y aurait eu moins d’un millier de victimes dans une région de plus de trois millions d’habitants. Ce qui en fait avait été une prévention populaire spontanée réussie, fut officiellement présentée comme une prédiction qui impressionna d’autant plus le petit monde des sismologues que les Chinois purent en faire état, la décrire et l’expliquer, avec une évidente et plus ou moins légitime satisfaction, à la conférence intergouvernementale sur l’évaluation et l’atténuation des risques sismiques, au siège de l’Unesco à Paris, au cours de la session spéciale de février 1976, ce qui souleva l’admiration unanime.

Tangshan (27/07/1976)

Malheureusement, l’inévitable contre-exemple ne tarda pas à se produire quelques mois plus tard et un an et demi après Anshan dans la région de Tangshan, à l’est de Pékin, entre Xingtai et Anshan, sans doute sur le même système sismique : le 27 juillet 1976, un séisme ML 7,6, plus ou moins prévu, mais non prédit et en tous cas non prévenu, y fit des dommages matériels tout aussi considérables qu’au Liaoning, mais surtout 250 000 victimes selon les Chinois et sans doute plus de 650 000 en réalité ; il serait ainsi le séisme le plus meurtrier depuis deux siècles et peut-être depuis toujours. Par contre, entre août et septembre 1976, la région de Canton est restée dans l’attente d’un séisme qui ne s’est pas produit.

Martin Pierre - Ces risques que l’on dit naturels

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