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O.N.G. - Extrême-orient(é)
7 mars 2013

Park Geun-hye, pionnière ou héritière ?

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(Le dictateur de Corée du Sud avec sa famille)

En remportant le 19 décembre 2012 la présidentielle sud-coréenne avec 51,5 % des voix, Park Geun-hye a confirmé un talent politique qui, contre toute attente, lui avait déjà permis de remporter les législatives d’avril 2012. Dans cette Asie du Nord-Est où, à l’exception de quelques reines antiques, les femmes n’ont jamais régné que dans les coulisses, en Pompadour ou en douairières, son élection est un véritable exploit.

La première présidente de la Corée du Sud doit ce succès à son opiniâtreté. Née en février 1952, fille aînée du général Park Chunghee, Park Geun-hye – dont le prénom signifie « gracieuse colline aux hibiscus », la fleur nationale coréenne – n’a jamais caché son ambition, même si elle a toujours fait preuve de réserve et de modestie. Après de solides études d’ingénieur en Corée puis en France, elle s’est retirée de la vie politique à l’assassinat de son père en octobre 1979. Repliée à Daegu, sa ville d’origine, elle s’est occupée d’œuvres caritatives puis a fondé une université (Yeungnam), entreprise qui, en Corée, sert le plus souvent de tremplin politique. Ne s’étant pas mariée pour prouver son dévouement à la chose publique, elle entre au Parlement en 1998 où sa popularité l’impose rapidement. Dès 2004, elle prend la tête des conservateurs, empêtrés dans une série de scandales, et les mène à la reconquête de l’électorat. Elle y gagne le titre de « reine des élections ». Battue aux primaires conservatrices d’août 2007 face à Lee Myung-bak, le maire de Séoul, qui remporte la présidentielle sur un programme de rupture ultra libérale, elle revient sur les devants de la scène au fur et à mesure que le président Lee s’effondre dans les sondages. Après avoir refondu le parti conservateur, rebaptisé Saenuri (Nouvelle action et nouveau monde) en février 2012 et remporté les législatives d’avril, elle gagne haut la main les primaires de son parti en août de la même année, sur une ligne conservatrice modérée, libérale et sociale. En se ralliant à sa candidature, les Coréens ont plébiscité une politicienne aguerrie et déterminée. La réussite de Park Geun-hye n’en est pas moins d’une troublante ambiguïté. Aurait-elle réussi si elle n’avait pas été la fille du général Park, le père de la Corée moderne ? Et pourquoi cultiverait-elle une étonnante ressemblance avec sa mère, la très populaire Yuk Young-soo, réputée pour ses actions caritatives et pleurée depuis son assassinat en août 1974, si ce n’était pour s’imposer en héritière ? Pour ses adversaires, la cause est entendue. Park Geun-hye a toujours agi en princesse héritière, comme si le pouvoir lui était dû, mais ne serait qu’une opportuniste, la « princesse balançoire » (balançoire se dit geu-nae, ce qui ressemble à Geun-hye) ou la « princesse antisèche », perdue sans les notes que lui préparent ses conseillers. Pour autant, son héritage est aussi un fardeau. Si les anciens voient en Park Chung-hee le père du miracle économique, pour les intellectuels et les progressistes, son souvenir évoque la dictature militaire et la collusion entre le pouvoir et les chaebols. Or si la fille a condamné les atteintes aux droits de l’Homme commises par son père, elle n’en a pas moins déclaré durant sa campagne que les résultats économiques justifiaient le coup d’État de 1961. Étonnante opinion quand on se présente pourtant comme une démocrate convaincue.

Au lendemain de son élection, à l’issue d’un scrutin marqué par une forte participation de près de 76 %, Park Geun-hye a déclaré qu’elle serait la présidente de la réconciliation nationale. Reste à savoir si les campus qui soutenaient largement Moon Jae-in, son opposant, les internautes qui avaient lancé le mot d’ordre « Tout sauf Park », la Corée du Sud-Ouest ou encore les banlieues populaires, traditionnellement progressistes, lui en laisseront les moyens. Une fois qu’elle sera aux affaires – son entrée en fonction est prévue en février 2013 – la première présidente coréenne devra convaincre, dans un contexte difficile où la croissance se rétracte et où les rapports sociaux se tendent.

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