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O.N.G. - Extrême-orient(é)
14 janvier 2013

Virtuosité et mystification

Sans titre

Dans toute discipline, il y a des virtuoses, ceux qui savent jouer les Caprices de Paganini, et puis il y a les artistes de base, ceux qui jouent de l'accordéon dans les bals musette. En principe il faut les deux : le public est prêt à payer pour un bal musette et se fatigue vite des virtuoses ; à l'inverse, ceux-ci assurent les progrès de la discipline.

En mathématiques, ou du moins en mathématiques académiques, il n'y a que des virtuoses, ou des prétendus virtuoses. Personne n'est capable de présenter quoi que ce soit au grand public, et personne ne souhaite le faire : ce serait déchoir. Le résultat est que le grand public ne sait pas en quoi consistent les avancées des mathématiques. Bien sûr, chacun des pseudo-virtuoses pré-tend qu'il fait progresser la science, mais il y a tant de gens dans ce cas que les clameurs individuelles se perdent dans le brouhaha général. La SCM, quant à elle, ne fait rien progresser du tout, mais joue très fort et très faux devant le public le plus populaire qu'elle peut trouver. Le public s'amuse et nous aussi.

Tout ceci est assez comique en France, où les pseudo-virtuoses (quelques centaines) sont de toute façon payés par l'Université ou le CNRS. Il vaut mieux qu'ils soient là, où ils ne dérangent personne, qu'au sein des entreprises qui ont déjà suffisamment de problèmes sans devoir en outre se charger de la formation d'un groupe d'inadaptés.

Là où la chose est moins drôle, c'est au sein des pays en voie de développement. La France a formé, au cours de ces 50 dernières années, nombre d'étudiants étrangers et leur a donné une formation si académique qu'elle est totalement inutile dans leur pays d'origine. Il ne s'agit pas d'environnement, de nutrition, d'épidémiologie, de toutes choses qui pourraient être utiles, mais de théories mathématiques abstraites, si abstraites qu'elles sont déjà inutiles chez nous. Rentrés chez eux, ces étudiants, insuffisamment formés et insuffisamment ouverts au monde, n'ont jamais été capables de faire autre chose que de répéter à l'envi ces théories abstraites. On trouve ainsi, dans des pays où le peuple meurt de faim, des départements de mathématiques qui traitent de faisceaux algébriques cohérents, d'espaces de Banach de dimension infinie, etc., toutes choses très peu comestibles, même lorsqu'on a faim !

Mais à quelque chose malheur est bon ! Si les Chinois n'ont pas encore colonisé les mathématiques mondiales, c'est grâce au génie d'un professeur de l'Université de Stockholm : il avait un étudiant en thèse, et lui a donné pour sujet l'étude de certaines classes d'isométries entre espaces de Banach. Rentré en Chine avec son diplôme, ce chercheur est évidemment devenu président du département de son université, et a multiplié les disciples, comme on le fait en Chine : tous avec pour objet des classes d'isométries entre espaces de Banach.

Lettre 52 de la  Société de Calcul Mathématique

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