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O.N.G. - Extrême-orient(é)
3 janvier 2013

Tokien : un Léautaud britannique

Sans titre

Les lettres (de Tolkien) adressées à Christopher pendant la guerre (son fils est pilote d’avion) ont de véritables accents à la Paul Léautaud. Pas plus que lui il n’aime la TSF, « peut-être potentiellement une bonne chose, mais c’est en fait devenu globalement une arme pour les fous, les sauvages et les méchants, avec laquelle ils ont pu nuire à la minorité et détruire toute réflexion » (lettre 61). La complainte qui montait du pavillon de Fontenay-aux-Roses monte de la maison anglaise : « Cette charmante maison est devenue inhabitable impossible de dormir, de travailler dans cette maison branlante assaillie par le bruit et emplie de fumées. Telle est la vie moderne. Le Mordor est parmi nous. Et je suis désolé de constater que le nuage tourbillonnant que nous avons récemment vu en photo n’a pas marqué la chute de Barad-dûr, mais a été produit par ses alliés, ou du moins par des personnes qui ont décidé d’utiliser l’Anneau pour servir leurs propres buts (des plus excellents, assurément). » (Lettre 135.) Le Mordor est le territoire de Sauron, l’esprit du Mal, dans le Seigneur des Anneaux, et Barad-dûr sa forteresse. L’anneau de pouvoir est fondamentalement maléfique : même lorsqu’on croit l’utiliser en vue du Bien, il concourt au Mal. Telle est la bombe atomique – « le nuage tourbillonnant » est une allusion à la première bombe atomique britannique, essayée au large de l’Australie fin 1952 –, dès Hiroshima l’opinion de Tolkien était faite sur l’arme atomique et « la folie pure de ces physiciens déments » (lettre 102). Les avions de guerre ne sont-ils pas semblables aux Nazgûl, montures maléfiques ? Que son fils en pilote est comme si les Hobbits chevauchaient les Nazgûl « pour la libération de la Comté » (lettre 100) : là encore, Tolkien pense qu’on n’utilise pas impunément certains moyens, radicalement mauvais, serait-ce avec la meilleure intention du monde. La bombe atomique, les avions de chasse, ce sont là des armes, mais Tolkien étend sa réprobation à toute machine. « Les machines faites pour nous économiser des efforts ne font que demander des efforts pires et interminables. Et en plus de cette incapacité fondamentale de la créature s’ajoute la Chute, qui non seulement détourne nos procédés de ce désir, mais les dirige vers un Mal nouveau et horrible. Et nous passons inévitablement de Dédale et Icare au Bombardier Géant. Cela n’est pas là un pas vers la Sagesse ! » (Lettre 75.)

Série d'articles sur Tolkien par Martin Schwa dans Présent

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