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O.N.G. - Extrême-orient(é)
13 décembre 2012

La bulle chinoise est proche de l’éclatement

Sans titre

André Posokhov a lu pour Polémia La Chine, une bombe à retardement de Jean-Luc Buchalet et Pierre Sabatier : un livre qui souligne les incertitudes majeures du géant chinois au moment où celui-ci renouvelle ses dirigeants dans le cadre fermé du parti communiste. Polémia.

Du fait de la crise financière occidentale, les exportations nettes ne pourront bientôt plus être le moteur du développement de la Chine qui est ainsi conduite à procéder à des modifications profondes de la structure de son économie, d’autant plus que les pressions étrangères se multiplient. Les autorités ont donc trouvé des relais de croissance, non dans la demande interne, mais dans « la plus excessive des politiques keynésiennes de l’histoire économique, en investissant à tour de bras ». La Chine a ainsi pratiqué un surinvestissement massif qui représente la moitié du PIB en 2011 à un niveau jamais atteint ailleurs. Or, affirment les auteurs, les pays ayant connu un surinvestissement massif et chronique ont tous dû faire face à une crise financière et à une longue période de ralentissement de la croissance.

Face à la récession mondiale de 2009, les autorités ont lancé un gigantesque plan de relance de 445 milliards d’euros en incitant les banques à financer tous les projets en cours, en particulier ceux des entreprises publiques et des collectivités territoriales. En trois ans la dette totale a rejoint celle des grands pays industrialisés, avec 222% du PIB contre 220% pour la zone euro. La dette publique atteint 69% du PIB. En 2010, les banques officielles ont dépassé les objectifs de prêts et leur volume de crédit a atteint le niveau de 20% du PIB. De ce fait, l’argent en circulation a explosé et a été multiplié par 3 en dépassant le montant disponible aux USA. Ainsi la planche à billets a fonctionné à plein régime alors même que les taux d’intérêt sont maintenus à un taux très bas, d’où un endettement facile, gigantesque et dangereux. Les banques sont encouragées à prêter car les marges d’intermédiation, confortables, sont fixées par les autorités. Plus elles prêtent, plus les profits augmentent. Les auteurs jugent que cette politique monétaire inadaptée et excessive conduira à une crise bancaire violente dans les deux années à venir, conséquence de l’explosion du nombre de défauts sur les prêts accordés en 2009-2011.

Cet engrenage infernal du crédit concerne d’une manière écrasante les collectivités publiques au travers de programmes d’infrastructures démesurés et dont l’utilité est contestable : aéroports vides, quartiers d’affaires fantômes, usines flambant neuves fermées, programmes de logements vides. Il existe une trop grande proximité entre les banques et les gouvernements locaux. Ceux-ci, du fait de la décentralisation, sont conduits à utiliser le crédit bancaire pour gérer les transferts de compétences sans les ressources équivalentes, ce qui expose les banques à des taux de défaut à venir élevés estimés à 50% ou 60% du total. Au final, sur 1600 milliards d’euros de crédits alloués aux gouvernements locaux on estime que 435 à 765 milliards d’euros devront être provisionnés par les banques chinoises.

Devant la monopolisation du crédit bancaire par la sphère publique, la sphère privée s’est tournée vers les réseaux de financement parallèle, le « shadow banking », qui représente 45% du financement des entreprises privées en 2011. Non régulées, insuffisamment capitalisées, aux structures opaques, sans système d’information financière digne de ce nom, ces 7000 entreprises de crédit se refinancent facilement auprès des banques et de ménages et pèsent d’un poids considérable dans le financement des PME privées. L’ouvrage décrit certaines des dérives de cette « finance de l’ombre » qui sont nombreuses et dangereuses. Le risque encouru est celui d’un effondrement du crédit, « credit crunch », et de faillites en chaîne. Or, les autorités de tutelle semblent avoir perdu la main sur le financement de l’économie réelle. Plutôt que de faire la vérité sur le système bancaire, les autorités préfèrent combler les trous en lançant un vaste plan de soutien aux PME, sans remettre à plat leur mode de financement.

Les auteurs constatent une véritable fuite en avant des investissements en infrastructures afin de maintenir l’activité et la croissance. Ils citent longuement l’exemple du ferroviaire à grande vitesse dont le programme pharaonique visait à faire de la Chine un leader mondial. Le développement en un temps record de ce programme a eu des conséquences graves : choix techniques insensés, travaux bâclés, vieillissement du matériel, sécurité incertaine, financement non assuré et accidents graves. Aujourd’hui bon nombre de projets sont à l’arrêt. Après une progression spectaculaire, les marchés d’actions ont connu une régression marquée (-60%). Le marché chinois de l’art épongea les liquidités de nombreux investisseurs et est devenu le premier du monde. Mais le symptôme le plus grave de la surchauffe de l’économie chinoise est l’explosion de l’investissement immobilier public et privé dont le niveau spéculatif n’a jamais été atteint ailleurs : 15% du PIB en 2011 contre 12,1% en Espagne ! Les prix, résultat d’une spéculation effrénée, se sont envolés. A Ordos (30.000 habitants), des logements ont été construits pour 1 million de personnes. Les prix se sont retournés et Ordos est devenue une cité fantôme. En fait, la Chine se situe clairement dans la position des Etats-Unis en 2006, avant la crise des « subprimes ». Le régime chinois est piégé car il a laissé se constituer une bulle qui ne peut se résorber qu’au prix de conséquences désastreuses. Pour les autorités chinoises le défi est jugé par les auteurs comme très difficile à relever. Dans la crise qui s’annonce, les deux grandes failles du système financier chinois, le « shadow banking » et le financement incontrôlé des organismes publics par les banques, constituent le vecteur de propagation le plus redoutable. Faillites d’entreprises et insolvabilité des collectivités publiques amèneront les banques à essuyer de lourdes pertes et à constituer des provisions impressionnantes. 

Les auteurs jugent les autorités dépassées par les événements et impuissantes car elles commencent à subir les conséquences de la politique de distribution effrénée de crédits des années 2008-2009. Elles sont obnubilées par la croissance et l’inflation dont dépendent la stabilité sociale et leur propre légitimité. Relancer l’économie en distribuant du crédit constitue une fuite en avant et l’Etat n’a pas d’autre choix que d’encaisser les pertes accumulées au cours des trois dernières années.

En définitive les auteurs jugent qu’il convient de se montrer extrêmement prudent dans le moyen terme à l’égard de l’économie chinoise qui se révèle d’une grande fragilité en raison, notamment, de la précarité de son système de financement.

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