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O.N.G. - Extrême-orient(é)
11 décembre 2012

Fontenoy dans la Chine de Tchang Kaï-chek

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Après Moscou, Shanghai, où il demeurera en poste quatre années. La Chine, où montent de toutes parts les périls révolutionnaires, se trouve elle aussi en pleine ébullition. C’est la période instable où le Kuomintang de Tchang Kaï-chek (nationaliste chinois) s’est allié avec les communistes russes, avant de se retourner contre eux d’une façon sanglante. « Le rêve de tous les journalistes présents ? Obtenir un entretien avec le seul général qui compte, Tchang Kaï-chek. Depuis le 20 mars 1927, celui-ci s’est emparé sans coup férir de Shanghai et ses troupes campent aux portes des concessions étrangères tandis qu’il a installé son gouvernement nationaliste à Nankin. »

Les relations de Jean Fontenoy avec l’extrême gauche du Kuomintang (notamment avec le russe Borodine, chef de la mission militaire soviétique) vont lui permettre de rencontrer très rapidement le général chinois, dont il va devenir, comble du romanesque, l’un des conseillers en communication. Et cela au moment où Tchang Kaï-chek, « inquiet du dynamisme des communistes qui cherchent à le supplanter, a décidé leur élimination ». Les reportages de Fontenoy au pays des seigneurs de la guerre ressembleront souvent à des tableaux de Goya, les horreurs de certains massacres spectaculaires s’augmentant d’un raffinement tout asiatique dans la cruauté. C’est La Condition humaine de Malraux, avec moins de littérature et plus de détails vrais.

Quatre années gorgées de moments épiques. Décidément homme de toutes les audaces Fontenoy profitera même de ses entrées chez le général nationaliste pour flirter avec l’une de ses trois concubines, en l’occurrence Mei-ling Song, la plus jolie et la plus intelligente, aussi anti-conformiste que lui. « Diplômée d’une université américaine, très cultivée, elle pilotait un avion en robe traditionnelle pour concilier modernité et tradition… » En attendant qu’une autre aviatrice, Madeleine Charnaux, n’entre dans la vie de Fontenoy…

En Chine, indépendamment de ses fonctions chez Havas, Jean Fontenoy crée un quotidien : Le Journal de Shanghai. Représentant d’une grande agence de presse, directeur d’un quotidien, et conseiller du général Tchang Kaï-chek, l’existence de Fontenoy, au pays des mandarins, prend une allure à la fois multiforme, munificente et abracadabrante. « Dans cette fourmilière de trois millions d’habitants qu’est Shanghai, les journalistes évoluent dans un monde où se côtoient non seulement espions, politiciens et militaires mais aussi aventuriers et trafiquants en tout genre, sans oublier que le “Paris de l’Orient” est la capitale de tous les plaisirs. » Et des sociétés secrètes. « Jean Fontenoy s’y sent à l’aise. » Très habile à croquer sur le vif les personnages singuliers qui s’agitent autour de lui, tantôt héroïques ou truculents, souvent ridicules, Fontenoy n’est jamais dupe de la Comédie humaine. Celle-ci l’amuse et parfois l’indigne. Par exemple lorsqu’il crible de sarcasmes les Européens installés dans les concessions chinoises : « Le romantisme des batailles printanières enivrait les adultes étrangers. Ils avaient constitué des cohortes de défense civique, se rendaient au bureau en uniforme et, les affaires manquant, filaient au bar raisonner de la conjoncture. Des officiers de réserve en tenue emplissaient les clubs. L’architecte (redevenu sous-lieutenant de chasseurs alpin), saluait, pour la première fois, le greffier du tribunal (redevenu capitaine d’artillerie) : vêtus de kakis, les Anglais craignaient moins les taches des cocktails que les Français en bleu horizon… (tous, souffrant de la tremblote commune aux forts buveurs). » Intempérant, il l’était lui-même devenu en Russie. En Chine il y ajoutera une autre addiction, commune à beaucoup de coloniaux : celle de l’opium. Son mariage avec Lisica Codreano n’y survivra pas.

Yves Chiron

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