Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
O.N.G. - Extrême-orient(é)
6 décembre 2012

Le calendrier

Sans titre

Que se passera-t-il le 21 décembre prochain? Ce sera la fin du monde, disent certains bons apôtres. Une planète inconnue viendra heurter notre bonne vieille Terre, à moins qu’il ne s’agisse d’une explosion nucléaire ou d’une éruption gigantesque. Pas du tout, répondent les autres. Notre grosse dondon de planète continuera à tourner, les jours se rallongeront et tout continuera comme d’habitude. Bien entendu, les calendriers mayas invoqués par les prophètes de malheur n’annoncent aucune fin du monde, et les archéologues soulignent que ces mêmes calendriers donnent encore quelques millénaires à notre vieux monde. Un simple calendrier aura suffi pour donner la frousse à quelques uns. Il est vrai que nous sommes en décembre, le mois des calendriers, précisément. Il nous reste encore trois semaines pour nous procurer ces quelques feuilles qui nous accompagneront tout au long de l’année 2013.

Certains préféreront ceux de la Poste ou des pompiers, d’autres s’approvisionneront auprès de leur association ou de leur œuvre préférée, voire de leur entreprise. Il en est enfin qui se fourniront chez le papetier du coin. Il y en a d’ailleurs pour tous les goûts. Vous avez le choix entre l’austérité, le « cucul la praline » le plus débridé, l’humour ou le haut de gamme avec photographies artistiques ou reproductions de tableaux de maître. Il est même certains polissons qui affectionnent le genre leste. Le calendrier se fait tout à tous. Quelque part, il est aussi à notre image et permet de distinguer le laborieux du militant ou du raffiné. Le calendrier c’est aussi une affaire d’identité. C’est même une affaire de civilisation. Aujourd’hui, Chinois et Japonais utilisent officiellement notre calendrier grégorien, mais les anciens systèmes ont toujours la vie dure et les paysans du Sichuan utilisent encore le vieux système millénaire. Quant aux Japonais, ils continuent à parler d’« ère Showa » pour désigner la période de règne de l’empereur Hirohito.

Vous voulez changer de civilisation? Changez de calendrier. Les révolutionnaires l’avaient bien compris, qui ont tenté d’imposer le fameux calendrier républicain avec ses noms de mois pittoresques imaginés par Fabre d’Eglantine, poète et margoulin. C’est ainsi que le mercredi 5 décembre n’est autre que le « sextidi 15 frimaire, jour du chevreuil ». Pourtant, rien n’est moins simple qu’un calendrier. Derrière cette liste de jours et de chiffres se cachent des millénaires de calculs savants, toujours recommencés et jamais satisfaisants. Selon que l’on s’appuie sur la lune ou les révolutions du soleil, les nombres de jours ne seront pas les mêmes, ni les mois et, avec les années, une petite erreur peut entraîner d’immenses décalages. Avant le calendrier grégorien, nos aïeux ont connu le calendrier julien né d’une réforme de Jules César, fatigué de voir des fêtes estivales célébrées en hiver. Quant à nos ancêtres les Gaulois, ils nous ont laissé un témoignage extraordinaire de leur haut savoir astronomique, et de leur sens du sacré, avec le fameux calendrier de Coligny, aujourd’hui visible à Lyon. Pourtant, avec sa complexité, avec aussi son côté un peu bricolé, le calendrier demeure quelque chose de rassurant.

Bien sûr, il nous sert à organiser nos activités, mais surtout, il nous permet d’échapper à une angoisse et même à une terreur. Essayez de concevoir un monde sans calendriers, imaginez un instant que la question « quel jour sommes nous? » n’ait plus de sens: vous vous retrouverez livré au vertigineux écrasement d’un temps indifférencié, seulement ponctué par le cycle oppressant des nuits et des jours. Cela sert à ça aussi, un calendrier: nous permettre d’échapper à notre peur primordiale du temps, ce temps qui ne cesse de fuir et dont saint Augustin affirme que s’il est, « c’est qu’il tend à n’être plus ». Les noms de jours, de mois, les fêtes sont autant de repères, de points d’appui. Grâce à eux, le temps devient domestiqué. Le calendrier nous rend le passé plus proche et l’avenir moins inquiétant. Nous ne savons toujours pas de quoi demain sera fait, mais nous savons qu’il y aura un demain. En somme, grâce au calendrier, nous savons beaucoup de choses, sauf peut-être le jour et l’heure.

Minute

Publicité
Commentaires
Publicité