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O.N.G. - Extrême-orient(é)
12 octobre 2012

Mani, Christ d’Orient et Bouddha d’Occident par François Favre

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« Je suis venu du Pays de Babel, pour faire retentir un cri à travers le monde. » Lorsqu’on parle de manichéisme, on songe rarement à ce Messager de la Lumière que fut Mani (216-276).

7 siècles après le Bouddha, 2 siècles après le Christ, 4 siècles avant Mahomet, le sage iranien se présentait déjà comme réunificateur de l’Orient et de l’Occident, le « Paraclet de la Vérité » ou le « Sceau des Prophètes ». Peintre visionnaire et philosophe, poète, musicien et médecin, Mani transmit une vision du monde et de la vie si puissante qu’elle se répandit, de manière pacifique, de l’Afrique à la Chine, des Balkans à la péninsule arabique. Bien éloignée des jugements excessifs que l’on porte à tort sur elle, sa doctrine tolérante et humaniste visait à concilier les grandes religions de son temps (les chinois le nommeront « Bouddha de lumière » et les égyptiens « l’apôtre de Jésus ») et à diriger les chercheurs de vérité vers la découverte de la Lumière intérieure.

Mani enseignait aux chrétiens l’aspect ésotérique du christianisme universel, dévoilait aux mages d’Iran le véritable sens du message de Zoroastre, expliquait aux bouddhistes le chemin de la libération. L’« Église de Justice » qu’il avait fondée pour transmettre les mystères de l’Homme Parfait, illumina des millions d’âmes pendant plus de mille ans. Cette clarté et cette puissance suscitèrent évidemment l’adversité, la jalousie, la haine, et ce furent les religieux et les hommes de pouvoir qui, ne comprenant pas ses paroles d’éveil, tentèrent de détruire la pensée lumineuse de Mani.De sa religion de beauté, de sa subtile religion du clair-obscur, nous n’avons gardé, écrira le romancier Amin Maalouf, que ces mots « manichéen, manichéisme », devenus dans nos bouches des insultes. » (N’oublions pas que mille après, l’accusation de « manichéisme » conduira les cathares au bûcher.) Par quelle étrange ruse de l’Histoire ce nom sublime est-il devenu le symbole de la divagation intellectuelle et morale ?

Une tradition arabe rapporte : « lorsqu’on brûla les livres de Mani et de ses disciples, du feu jaillirent des pierres précieuses et s’écoula de l’or liquide ». Car les mots, comme les êtres, ont aussi une histoire et recèlent des trésors de significations qu’une analyse minutieuse peut révéler. Un nom est une « signature ». Celui de Mani renferme indéniablement les plus grands secrets, ceux qui ont trait aux mystères de l’Esprit et de l’homme intérieur. Cette appellation sacrée désigne en premier, comme l’attestent les disciples du sage iranien, « Celui qui offre la manne, le pain de vie ». Selon d’autres auteurs, l’origine de son nom remonterait au mot syriaque mana, « vase » ou « vêtement », ou au sanscrit mani, qui signifie « pierre, perle précieuse, gemme » (pensons ici au mantram Om mani padme Om, dont le sens est : « Salut à toi, ô joyau dans le lotus »). 

Ces trois figures, le vase, la perle et le vêtement, se rattachent directement au mystère du Graal dont la présence est attestée dans toutes les traditions religieuses, de la Chine à l’Europe, en passant par l’Inde, l’Egypte et le Moyen Orient. Calice, pierre, gemme ou livre, sous quelque forme qu’on le décrive, le Graal n’a jamais cessé d’être le symbole de l’union de l’âme humaine avec l’Esprit, but ultime de ceux qui recherchent la Vérité. Symbole, certes, mais dont la vraie signification se rattache étrangement à la physiologie même de l’homme intérieur, de l’Homme de lumière. Car le Vase sacré qui donne accès au Royaume, au Nirvana, à la Terre Originelle, c’est en nous-même, qu’il se trouve : le pied de la coupe repose dans l’orifice cardiaque et les poumons, la tige du calice est dressée dans le cou (trachée artère et larynx), et le haut de la coupe est formé par le globe de la tête.

C’est un fait spirituel irréfutable, relatif à la régénération du système tête-coeur, base de la réalisation de l’Homme nouveau. Le chakra-coronal, relié à la glande pinéale joue un grand rôle dans les processus spirituels, et il a la forme d’une coupe du Graal. Le mot sanscrit manas évoque encore le mental, la pensée, l’esprit et dans la mythologie indienne, Manu veut dire « premier homme » ou homme originel. En syriaque, on parle de Mani Hayya, « Mani le Vivant ». Cette formule, utilisée pour Orphée et attribuée à Jésus dans l’Evangile de Thomas, signifie : « celui qui vit vraiment, qui est ressuscité ». Ces quelques indications à peine voilées nous permettent de comprendre que chaque image, chaque mot employé dans l’enseignement et la vie du prophète iranien doivent être pris avant tout comme témoignage de la vie de l’âme, et interprétés de manière intériorisée.

Ainsi, dans un psaume manichéen, Mani est-il décrit comme « le vent du Nord » qui indique le chemin à ceux qui cherchent : « Un vent du Nord, qui souffle sur nous, tel est Mani. Levons l’ancre avec lui et entreprenons ensemble le voyage vers le pays de la Lumière. » Le manichéen, conduit par le souffle de l’Esprit, peut donc partir en voyage pour chercher la perle précieuse de l’âme. Il lui est alors possible de renaître et de recouvrer le vrai pouvoir de penser qui rétablit le lien entre l’Homme céleste (la monade, le microcosme) et l’homme terrestre (la personnalité, le corps). C’est pourquoi Mani n’est pas seulement un personnage historique dont les historiens modernes tentent difficilement de reconstituer la biographie, mais c’est aussi le symbole de l’Esprit éternel, consolateur et guérisseur, qui conduit les âmes vers le chemin de la libération ; il est une incarnation du Christ Universel, descendu dans le monde sous la forme des Envoyés de la Lumière et qui se manifeste en nous, comme Esprit vivant.

Il est de tous les temps, il est l’Alpha et l’Oméga, « le premier et le dernier ». Formulons l’espoir que l’évocation de l’enseignement qui prit forme en cet être exceptionnel que fut Mani, dont le seul nom évoque les plus hauts mystères, ceux de la Connaissance sacrée, incite de nombreux chercheurs de vérité à partir en quête de la Pierre des Sages, du vase sacré, dont « la vraie demeure est la terra incognita de l’âme », dans le coeur de l’homme. Notre livre leur est dédié. Il veut mettre en lumière les différents aspects spirituels, philosophiques, ésotériques, alchimiques et civilisateurs de l’oeuvre de Mani le Vivant, tout au moins ce que, après tant de siècles d’oubli on peut encore en deviner…

Lorsqu’on emploie aujourd’hui les mots manichéen, manichéisme, il est toujours question du Bien et du Mal nettement séparés et opposés en une lutte éternelle. Or c’est là une conception erronée, simpliste et réductrice, que ce livre tente de battre en brèche. Qui, après des siècles de calomnies et de persécutions, se souvient aujourd’hui que Mani (216-276), le « Prophète de l’Iran », est le fondateur d’un mouvement spirituel dont l’influence civilisatrice s’est étendue au monde entier pendant plus de mille ans, qu’il est l’inspirateur de la miniature orientale (persane, indienne, chinoise), l’inventeur du Oûd (le luth iranien), ou encore le créateur d’un système d'écriture extrêment original, dérivé du syriaque et du persan, plus riche en caractères que l'arabe ? Personne, excepté les quelques rares spécialistes qui se sont interessés à la question manichéenne et ont consacré leurs travaux à tenter de rétablir la vérité historique et de réhabiliter ces hommes et ces femmes admirables qui pay-rent de leur vie leur adhésion enthousiaste à « l'abominable et sacrilège hérésie », dénoncancée comme « l'hérésie suprême » par les théologiens catholiques.

Ce livre audacieux et rigoureux dans sa démarche et révolutionnaire dans ses conclusions, explique en quoi l'homme de ce début de troisième millénaire est plus que jamais concerné par les interrogations comme par les réponses que proposa le manichéisme, et montre comment l'oeuvre exceptionnelle de Mani et de ses disciples détient, peut-être, le secret de notre avenir...

Undercover 16

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