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O.N.G. - Extrême-orient(é)
6 juillet 2012

Jean-Paul Sartre ou les sept raisons d'un succès

Sans titre

"J'étais le premier, l'incomparable dans mon île aérienne; je tombai au dernier rang quand on me soumit aux règles communes." Les Mots.

1 - « Je fais tout mal...mais je fais tout ! » (Du clerc rigoureux à l' intello branché) De cette harangue de vieille pute, Jean-Paul Sartre fit très tôt son credo : mauvais dans toutes les disciplines (philo, littérature, théâtre scénario...) mais concourant dans toutes (enseignement, journalisme, chansons, agit-prop...), il put ainsi revendiquer la première place au classement général (prix du plus grand nombre d'accessits pompeusement baptisés de« l'intellectuel total » ). C'est en effet à Jean-Paul Sartre que l'on doit l'invention de l'intello-show et la promo moderne. Ce harcèlement stakhanoviste qui permet aujourd'hui à BHL de passer pour un esprit fort, et à Patrick Bruel d'élargir son auditoire au-delà des faïences de sa salle de bains.

Avec, pour recycler cette inévitable accumulation de déchets, la stratégie du mea culpa :

2 - «Jusqu'ici je n'ai pondu que de gros cacas, mais maintenant, niveau oeuvre, vous allez voir ce que vous allez voir » (Du retrait au désert de l'homme d'honneur à l'éternel retour du cabot complaisant) Inventeur de l'équivalent culturel du vieux truc de coiffeur : « Demain on rase gratis », c'est encore grâce au décathlonien des mots JeanPaul Sartre que tous les tocards imités du maître peuvent conserver leur clientèle de gogos en jouant l'air du repenti à chaque nouvelle sortie : « J'étais mao mais j'étais jeune, j'étais branché mais j'étais con, j'étais libérallibertaire mais j'étais stone, etc »

Avec, en prime, le supplément d'âme :

3 - « Je me suis toujours trompé, donc... je suis très humain » (De l'humanisme comme quête de la raison à la tactique du « Seule l'erreur est humaine ») Car c'est aussi grâce à Jean-Paul Sartre que les derniers de la pensée devinrent les premiers, plus seulement au royaume des cieux, mais en plein Saint-Germain-des-prés ! (Et aussi que ceux qui avaient vu systématiquement juste sur Heidegger, Pol Pot, Cioran, l'humanitaire ... furent taxés de totalitaires). Logique du pire heureusement réservée aux seuls clients du Flore, sans quoi on mesurerait le degré d'humanité de l'ingénieur des Ponts et Chaussées au nombre de ponts qui s'écroulent, la grandeur d'âme des employés du gaz à la quantité d'immeubles explosés !

Inconséquence qui comprend son volet politique:

4- « Je suis bien trop à gauche pour voter... à gauche ! » (De l'engagement progressiste aux affres existentielles) Car c'est aussi à porter au crédit de Jean-Paul Sartre si, durant toute la guerre froide, les étudiants français en crise se contentèrent, pour l'engagement, de voler des disques (cf. Les Tricheurs de Marcel Carné), plutôt que de voter communiste. (Face à cette droite d'une intelligence inouïe, la droite la plus bête du monde c'était bien celle de Raymond Aron!)

Déficit électoral habilement compensé par... le triolisme universitaire :

5 - « Être progressiste, quand on est prof, c'est essayer de coucher avec ses élèves » (Ou de «Que chacun jouisse selon son travail » à « que chacun jouisse selon son "être", en vertu de quoi les "êtres" riches jouiront beaucoup et les pauvres peu ») Car c'est aussi à Jean-Paul Sartre que l'on doit la promotion du libertarisme. Ce libertinage petit-bourgeois (avec Simone en rabatteuse) grâce auquel tous les « anima-cul » immatures et pervers purent désormais travestir la trahison pédophile de leur mission éducative en émancipation de la morale bourgeoise. Et ce juste au moment où l'université française d'après guerre voyait ses effectifs gonflés d'un afflux de jeunes filles innocentes et crédules. Quelle aubaine!

D'où l'abaissement de la finalité, puis du contenu de la matière enseignée :

6- « Ma séduction à moi, c'est la philo ! » (Du concept comme au-delà de la séduction au concept comme séduction des laids) Car c'est encore à Jean-Paul Sartre que l'on doit l'actuelle philosophie pour jeune fille dont se servent, pour draguer, nos jargonneurs germanopratins (qui ne manquent d'ailleurs pas une occasion de rappeler ce qu'ils doivent au maître), louchant comme lui sur Hollywood, en exigeant le Parthénon.

Avec, quand survient le temps du ridicule qui tue, l'ultime pirouette :

7- « Tout ça c'était pour rire ! » (De l'intellectuellacanien à l'intellectuel baron à la télé) Par laquelle l'intello-mondain admet finalement sa fonction : faire rire les étrangers (bouffe, mode, baratin culturel). Notre nation devenue touristique, comme toute puissance en déclin, ne pouvant désormais revendiquer d'autre rôle que celui de bouffon. Tout ça grâce à Jean-Paul Sartre : heiddegerien sous l' Occupation, existentialiste pendant la guerre froide, maoïste sous Pompidou, talmudiste au moment de sa mort... Sartre dont la liquidation de l'image et du rôle de l'intellectuel sérieux reste, à la réflexion, la seule oeuvre durable.

Allez vous étonner après ça que « Poulou l'agité du bocal » soit le saint patron de tous nos intellectuels de gôche !

Alain Soral - Abécédaire de la bêtise ambiante

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