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O.N.G. - Extrême-orient(é)
5 juillet 2012

L’esprit des choses : l’arc

Sans titre

Voici que s’ouvre la période dite des « grandes vacances ». Nos chères et citadines têtes blondes vont redécouvrir les plaisirs et les jeux du grand air. Parmi ces jeux, il en est un toujours aussi populaire, si l’on en croit du moins les rayons « jouets » des magasins ou des hypermarchés. Il se compose de deux ou trois morceaux de bois et d’une cordelette. C’est l’arc, notre vieil ami d’enfance, qui faisait de nous des émules de Robin des Bois ou Geronimo. A vrai dire, aux arcs du marchand de jouets, beaucoup ont préféré (et préfèrent encore) l’arc que l’on fabrique soi-même à partir d’une branche de coudrier ou d’osier. Les habitants en herbe de la forêt de Sherwood méconnaissent généralement les surprenantes propriétés de l’if. Pour eux, le grand dé fi demeure la recherche de branches assez droites pour les flèches. Pourtant, avec son arme rudimentaire, le tout jeu ne archer ignore qu’il répète un geste aux origines de l’humanité, et même un geste fondateur. L’arc est en effet la première véritable mécanique. Grâce à lui, l’homme a découvert, il y a 20000 ans, qu’il pouvait domestiquer l’énergie, l’emmagasiner pour la libérer à un moment choisi et frapper ainsi plus loin et plus précisément que ne le permettaient le javelot et la sagaie. Il n’est d’ailleurs nullement indifférent que cette première mécanique ait été une arme de chasse. L’arc est une arme, mais une arme bien particulière. L’épieu, la lance ou l’épée sont réservés au corps à corps avec la bête sauvage. Ils ne sollicitent que l’adresse et le courage physique. L’arc demande concentration et subtilité. La puissance musculaire qui permet de le bander ne suffit pas. Il faut aussi l’esprit aux aguets et oeil qui visera. Ce n’est pas un hasard si, dans l’Odyssée d’Homère, l’arc est l’arme ultime du prudent Ulysse. Du reste, l’arc du vainqueur de Troie n’est pas une arme ordinaire: il a une histoire et surtout, il est présenté comme un objet précieux, perfectionné. Plus tard, on inventera l’arc composite, c’est-à-dire constitué de matériaux différents pour supporter à la fois l’effort d’extension du dos (l’extérieur de l’arc) et celui de compression du ventre (face au tireur). Les Mongols de Gengis Khan, avec leur redoutable « arc réflexe », terroriseront longtemps l’ensemble de l’Asie. Plus tard, les Anglais fabriqueront un arc composite « naturel », en bois d’if renforcé d’aubier – dont la tonicité est différente. C’est ce fameux arc long (« longbow ») qui causera tant de dégâts dans les rangs de la chevalerie française à Crécy ou Azincourt. A cette époque, une flèche anglaise vous transperçait facilement une cuirasse ou un heaume. La guerre de Cent Ans devait pourtant constituer le chant du cygne de l’arc en tant qu’arme de guerre. Apparurent en effet le canon et l’arquebuse qui devaient, juste retour des choses, décimer l’archerie anglaise à Formigny et Castillon. Chassé du champ de bataille et des terrains de chasse, l’arc ne fut plus qu’un objet de divertissement, voire un ornement. Devenu théoriquement inutile, il devint un motif pour bas-reliefs ou peintures mythologiques, en somme un objet du passé. On se rappelait que la mythologie l’avait attribué à Diane et Cupidon, voilà tout. Mais l’arc ne devait pas mourir. Mieux, il allait connaître une nouvelle jeunesse, une jeunesse qui se poursuit encore aujourd’hui. L’arc est devenu un sport et l’arme n’a cessé de se perfectionner. Les matériaux modernes permettent toujours d’apporter de multiples améliorations dont la dernière demeure l’arc à poulies, si cher à Rambo. Les Jeux olympiques de Londres verront encore des compétitions à peine différentes des compétitions médiévales du temps de Robin des Bois. Car il y a toujours cette « chevalerie d’arc », héritière des milices bourgeoises et des corps de francs archers. Aujourd’hui encore, dans bien des villes, une compagnie d’archers perpétue la tradition médiévale, avec parfois ses rites et son savoir secret. A leur façon, ces compagnies cultivent le pendant occidental du « kyudo », la voie de l’arc japonaise. La pensée ne devrait-elle pas être aussi rapide que la flèche de l’arc ?

Minute 2571

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