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O.N.G. - Extrême-orient(é)
22 mai 2012

Le colonel Moinet

Sans_titre

"Voulant voir si l’Ecole était bien digne d’elle, la gloire un jour, du ciel, descendit à Saint-Cyr". Ainsi commence un poème que récitent les Saint-Cyriens en songeant à leurs grands anciens. Parmi eux, le colonel Bernard Moinet qui vient de s’éteindre.

Ne l’ayant pas revu depuis longtemps, trop longtemps, je m’étais promis de l’appeler pour prendre de ses nouvelles. La vie en a malheureusement décidé autrement. Le colonel Moinet s’est éteint le 4 mai dernier. Il avait 85 ans. Fatigué et usé par les épreuves de l’existence, il s’était retiré de la vie publique depuis plusieurs années. L’écrivain et le conférencier qu’il était n’écrivait et ne parlait plus. Nous nous étions rencontrés pour la première fois en 1994 à Coetquidan. Présent au sein de la prestigieuse école militaire pour le baptême de promotion d’un fils de la veuve du colonel Bastien-Thiry, il m’avait fait appeler pour me parler d’un manuscrit que je lui avais adressé quelques jours avant de partir suivre une formation d’élève officier de réserve. Le livre, consacré à la guerre d’Algérie, devait sortir quelques mois plus tard avec une très élogieuse préface de sa part.

L’amitié filiale que je lui portais ne s’était jamais démentie depuis. Recu à Saint-Cyr à 18 ans en 1945, le jeune Bernard Moinet fait partie de la promotion "Nouveau Bahut". Dans un contexte politique hostile, il joue un role essentiel pour l’installation de l’Ecole spéciale militaire à Coetquidan et le rétablissement de ses traditions, notamment dans la conservation du légendaire casoar. Le 14 juillet 1947, alors qu’elle défile à Paris, la promotion "Nouveau Bahut" fait réapparaitre, après sept années d’absence, le plumet blanc et rouge. Bernard Moinet a admirablement restitué le mythe de Saint-Cyr dans son maitre ouvrage, A genoux, les hommes ! véritable livre de chevet de plusieurs centaines de jeunes officiers. Il appartenait à une génération d’hommes pour laquelle la formation débouchait inéluctablement sur l’action. A peine sorti de l’école, il part pour l’Indochine. Premières déceptions. Les guerres ne se perdent pas seulement sur les champs de bataille, mais souvent dans les allées du pouvoir.

Comme beaucoup d’officiers, Moinet n’oubliera jamais les populations indochinoises abandonnées par la France. Après l’Indochine, voici l’Algérie. Le 13 mai 1958, Moinet est à Oran. Ce jour-là, comme tant d’autres, il croit que l’Algérie francaise est faite. Moins de cinq ans plus tard, il apprend que tous ses harkis, abandonnés eux aussi, ont été brulés au pétrole. Il quitte immédiatement l’armée.

Cette armée qui était toute sa vie. Il se consacrera désormais à alerter les hommes de bonne vo lonté sur les menaces pesant sur l’Occident. Orateur et conférencier brillant, il sillonne la France. Ecrivain talentueux, il est longtemps le seul, lorsque cela n’était pas à la mode, à défendre la mémoire des harkis. Ahmed ? Connais pas... Le calvaire des harkis restera le livre référence sur ce drame cruel. Tout comme son Vanden, le commando des tigres noirs sera toujours le symbole de l’épopée militaire francaise en Indochine.

Un grand soldat nous a quittés. Mais la tradition se perpétue: "A genoux, les hommes."

Thierry Bouclier, avocat à la Cour, dans Minute 2564

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