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O.N.G. - Extrême-orient(é)
3 mai 2012

L’armée camoufle ses achats de treillis en Asie !

Sans titre

L’armée fait désormais ses emplettes vestimentaires en Asie. Pour camoufler cette trahison, elle attribue les marchés à des sociétés installées en France. Mais leurs ateliers sont à l’étranger.

Le 29 mars, Nicolas Dupont-Aignan, candidat à la présidentielle, visitait à Montpellier une entreprise en grande difficulté, la maison Du bois Sport, dont le patron lui con fiait que ses déboires venaient du fait que l’Etat en général, et l’armée en particulier, boycottaient le « made in France ». Aussitôt, au micro de toutes les radios, le candidat de la « France libre » envoyait un missile: « L’armée française fait désormais comme l’armée anglaise, elle externalise les achats et ses appels d’offres conduisent à délocaliser tous ses achats de vêtements vers des pays asiatiques. » Il en profitait pour épingler à la veste de Nicolas Sarkozy la médaille de l’hypocrisie: « Il mène une campagne contre l’Europe passoire, il fait de grands discours, il parle d’un “small business act” européen et, dans le même temps, le ministère de la Défense achète des vêtements au Bangladesh ou en Chine! ». Ce coup de gueule de Dupont-Aignan était-il justifié? « Minute » a mené sa petite enquête. Le 16 décembre 2011, l’armée de terre a ainsi attribué deux marchés, pour la fourniture de culottes de sports et de survêtements. Les culottes sont revenues à une société belge, qui possède un bureau à Tremblay-en-France, en Seine-Saint-Denis. Et la fourniture des survêtements a été adjugée à une entreprise française domiciliée à Nîmes, dans le Gard. Alors où est l’arnaque? Nous avons contacté Laurent Perez-Dubois, le directeur de la maison Dubois Sport de Montpellier, pour qu’il s’explique: « Pour l’appel d’offres des culottes de sport, notre maison proposait un prix de 4 euros pièce. Or c’est la société belge qui a décroché le marché, avec 2,30 euros pièce. A ce prix, cela ne peut-être fabriqué qu’au Bangladesh, car même les Chinois sont plus chers! » Quant aux survêtements, que la société de Nîmes fournira à 20,50 euros l’unité alors que Dubois Sport ne pouvait descendre en dessous de 29 eu ros, il ne fait aucun doute qu’ils seront fabriqués à l’étranger. Sur son site Internet, dans un rapide historique, la société nîmoise ne cache pas qu’elle a depuis longtemps délocalisé sa production: « En 1995, la filiale marocaine voit le jour pour permettre une meilleure maîtrise du processus de production. (…) Cette nou velle orientation amène à mettre en place des structures industrielles et commerciales (jointventure en Corée et ouverture vers l’Asie, prise de participation au Maroc…). En 2010, renforcement des investissements à l’étranger. » Et dans la clientèle de cette société « française » dont la production est assurée à l’étranger, il n’y a pas que l’armée de terre. On trouve aussi l’armée de l’air, la marine nationale, la police, la gendarmerie, la RATP, la mairie de Paris…

Quand on consulte les attributions des marchés, ces organismes semblent avoir joué le jeu de la préférence nationale. Mais dans les faits, les sociétés qui remportent ces marchés – et le travail qu’ils procurent – prospèrent au Maroc et en Asie. Car si, dans les appels d’offres, la sous-traitance est interdite, des montages et des groupements d’intérêt économique permettent aux sociétés de délocaliser en toute impunité. L’armée peut alors camoufler son manque de patriotisme textile derrière un habile montage juridique. Et les entreprises qui misent sur le « fabriqué en France » n’ont plus qu’à aller se rhabiller. Pour la maison Dubois, fondée en 1929, les commandes de l’armée représentaient, il y a encore 5 ans, 80 % de son chiffre d’affaires. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’un souvenir. La maison Dubois comptait une trentaine d’employés. Aujourd’hui, ils sont moins de 10. Il serait donc urgent de revoir les règles des marchés publics, afin que le patriotisme économique – ou préférence nationale – ne soit pas seulement un leurre. D’après nos informations, Nicolas Sarkozy aurait chargé Eric Besson, ministre de l’Industrie, de plancher sur le su jet… C’est du moins le message qui, juste avant le premier tour, a été transmis à tous les petits entrepreneurs victimes de cette concurrence déloyale. Mais cela ressemble fort à une promesse électorale qui n’engage que ceux à qui elle est adressée. La preuve ? Strictement rien n’a été fait durant le quinquennat écoulé. Et à cette heure, Éric Besson est sans doute plus occupé à faire ses cartons et préparer sa re conversion qu’à se soucier du sort des petites et moyennes entreprises françaises.

Olivier Manin pour Minute

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