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O.N.G. - Extrême-orient(é)
27 février 2012

La première conférence de Je Suis Partout

jsp150144

Vous n'étiez pas, ma chère Angèle, à la première de nos conférences, et vous avez bien voulu m'en exprimer votre regret. Votre province est lointaine, votre foyer vous retient loin de Paris. Vous auriez tant aimé pourtant, me dites-vous avec ironie, venir applaudir les formules du Front populaire, auxquelles vous restez obstinément fidèle. Ce n'est pas parce qu'elles sont soutenues par un affreux conglomérat d'hitlero-fascistes et de réactionnaires vendus aux Japonais qu'elles ont cessé de vous paraître charmantes. Et puis, ma chère Angèle, chacun sait que vous avez l'esprit libre, et que vous êtes attirée de surcroît, vous républicaine de conviction et grande admiratrice des démocraties, par tout ce que l'Europe d'aujourd'hui contient d'hostile à votre coeur. Ainsi va, je veux le croire, votre délicieuse sensibilité féminine.

Puisque vous me demandez de vous raconter notre première réunion, je m'avoue assez peu habile à vous évoquer l'attention, l'enthousiasme, avec lesquels une assemblée considérable a écouté nos camarades. Il n'y avait, me direz-vous, que des convaincus. Mais, au risque de vous peiner, je vous confierai qu'au premier rang, et non loin l'un de l'autre, se trouvaient le député d'un parti qu'on nous fait grief d'attaquer et un jeune écrivain antifasciste qui prenait des notes avec gravité. Il faut croire que Je Suis Partout représente quelque chose d'assez fort et d'assez neuf pour attirer la curiosité, cette curiosité qui mène si vite à la sympathie. Si vous aviez été là, ma chère Angèle, je ne doute point que vos convictions eussent résisté. Disons seulement qu'elles auraient eu quelques assauts à subir.

Vous connaissez Jean Meillonnas pour le lire à cette page même, toutes les semaines. J'aurais voulu que vous l'entendiez. Il parle comme j'aime que l'on parle, simplement, avec beaucoup de faits, avec des chiffres, de petites histoires. Il nous a raconté comment les conquêtes ouvrières de juin 1936 tournaient peu à peu en illusions et en nuées, et comment, ce qui est plus grave encore, on travaille à faire perdre à l'ouvrier sa dignité. Pourtant, contre les meneurs de la C.G.T., contre les jolis messieurs qui s'achètent, insignes de leurs fonctions, des souliers jaunes et une serviette, il y a quelques ouvriers courageux, membres des partis nationaux ou sans parti, qui ont su, dès à présent, s'organiser. Ce sont eux qui ont fait échouer la grève de la métallurgie. Avec une émotion très vraie et très simple, Jean Meillonnas a évoqué, pour terminer, cette classe ouvrière dont il a tant appris, et qui peut redevenir si forte, si belle et si courageuse, si nous la débarrassons de ses meneurs.

Je suppose, ma chère Angèle, que vous n'auriez pas moins applaudi notre ami Thierry Maulnier. Vous lisez, je le sais, les livres de ce jeune écrivain, l'un des plus brillants et des plus intelligents qui aient paru depuis la guerre. Et je ne désespère pas de vous faire connaître un jour prochain son argumentation, si logique, si serrée, de l'autre soir. La force du marxisme, nous disait-il, c’est d'avoir uni une admirable théorie de la propagande à une théorie historique fausse et stupide. Mais alors que le bourgeois, lorsqu'il a des idées, sépare ses idées de sa vie courante, cherche à part son intérêt et l'intérêt de son pays, l'ouvrier marxiste, lorsqu'il combat pour un relèvement de salaires, combat en même temps pour la révolution universelle, et ne sépare jamais l'un de l'autre. On ne fera pas de révolution nationale sans unir la lutte personnelle et la lutte générale.

Enfin, pour terminer, Georges Blond a fait le procès de l'économie libérale du XIXe siècle. Il l'a fait, comme vous vous en doutez, ma chère Angèle, sous forme de raisonnement mais aussi, selon l'humour qui lui est particulier, sous forme imagée. Il a inventé un petit sketch délicieux, digne du père Ubu, où un industriel, fabricant de chapeaux de paille, met à la porte un certain nombre d'ouvriers et où ceux-ci s'inclinent : ‘‘Il faut bien obéir au libre jeu des lois économiques.’’ Et ce libre jeu des lois économiques, poussé à l'extrême, aboutit à des résultats fantasques, invraisemblables, ridicules, et qui prouvent bien, justement, que jamais le système libéral, tel que l'a dénoncé Charles Maurras, n'a été appliqué dans son intégralité, car il est inapplicable.

Nos conclusions, ma chère Angèle, il n'était pas difficile de les deviner. Dans cette première réunion, consacrée à la question sociale, nos camarades ont voulu échapper à toutes les démagogies, démagogie socialiste et démagogie conservatrice. Leurs attaques, dirigées sur la droite et sur la gauche, pour parler le langage parlementaire, n'ont de sens que si elles sont prises dans un ensemble. Et c'est cet ensemble qu'avant de commencer avait défini Pierre Gaxotte.

Je ne vous apprendrai pas comment parle Pierre Gaxotte, mais je regrette que vous n'ayez pu l'entendre une fois de plus. Il a expliqué mieux que personne ce qu'était Je Suis Partout : ni un parti, ni une ligue, mais une équipe de journalistes, unis par l'amitié et décidés à être utiles à leur pays. Il a décrit les différents écueils que devait éviter un nationaliste, tant dans la politique sociale que dans la politique extérieure. Il a dénoncé cette alliance russe, cause de tant de maux, tous prévus depuis l'origine par Pierre Gaxotte et par notre journal, Le désir de la guerre est à Moscou en relation directe avec le désir de révolution universelle. La preuve en est que Moscou, menacé en Chine, ne bouge pas, tandis qu'il s'agite en Espagne, alors que l'Espagne en elle-même ne l'intéresse pas directement. C'est qu'il s'agit avant tout de déclencher la révolution.

De tout cela, nous reparlerons ce soir à nos amis. Mais Pierre Gaxotte a défini pour toujours nos positions et nos volontés. Il l'a fait dans l'enthousiasme des auditeurs, avec cette manière qui est la sienne, vive, ardente, et drôle aussi, grave sous sa gaieté, sans jamais prêcher ni pontifier. Sous le moindre de ses mots on sent ce pessimisme salubre qui est si nécessaire à l'action, l'amour de son pays, la confiance sans crédulité et le courage. Après lui, nos camarades ont essayé de montrer ce que nous désirions. C'est dans l'amitié qu'un journal comme le nôtre peut continuer et vivre. Mais est-il besoin d'ajouter, ma chère Angèle, que ce labeur commun, que cette unité entre tempéraments si divers, origines si variées, ne pourraient pas exister sans l'admiration et (qu'il me permette de le dire) l'affection que nous avons pour Pierre Gaxotte ?

Brasillach Robert - Lettre à une provinciale

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