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O.N.G. - Extrême-orient(é)
9 décembre 2011

S’inspirer du patriotisme économique allemand

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Minute : Le modèle du « bon élève allemand » vous parait-il généralisable à toute l’Europe ?
Jean-Yves Le Gallou : Pas du tout. Le modèle allemand fonctionne avec une situation budgétaire et commerciale meilleure que celles de ses voisins. Quand pratiquement 20 pays européens ont des ba lan ces commerciales et des services déficitaires, l’Allemagne garde une ba lance largement excédentaire (elle affichait, en 2010, un excédent commercial de 152,4 milliards d’euros, à comparer avec les 53 milliards de déficit français). L’économie allemande est portée par un puissant secteur industriel, avec de grandes entreprises leaders au niveau mondial dans la construction automobile (Porsche, Volkswagen, BMW, Mercedes), l’électronique (Siemens), la sidérurgie (ThyssenKrupp), l’énergie ou l’industrie chimique. Elle dispose d’un important réseau de PME/PMI, em ployant plus de 20 millions de salariés. Ce n’est pas le cas de tous ses voisins, loin de là ! Cela dit, le modèle allemand atteint ses limites lorsqu’on s’aperçoit que Berlin enregistre ses principaux excédents avec l’industrialisation des pays en voie de développement (Inde, Brésil…); et les pays du « marché commun européen », comme l’Autriche, les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne et la France. En revanche, elle est déficitaire sur la scène mondiale, notamment par rapport à des pays comme la Chine. En réalité, si tout le monde s’alignait sur le modèle allemand, ce serait un schéma économique « perdant-perdant » et une récession généralisée.

Mais certains éléments peuvent nous inspirer?
Oui, principalement en matière de gestion budgétaire et financière, dans la mesure où le poids de la dépense publique – et notamment des redistributions sociales – est de 55 % du PIB en France et de seulement 45 % en Allemagne. En outre, la base du système allemand pourrait tout à fait nous donner des idées – non sur la forme, mais sur le fond.

C’est-à-dire?
Ce système repose sur un patriotisme économique naturellement vécu. Lors de la dernière réunion de Polémia, un intervenant qui a occupé d’importantes fonctions dans le secteur industriel allemand nous a fait découvrir une facette « identitaire » assez mé connue de ce modèle économique. On a souvent tendance à le résumer, voire à ne l’appréhender que sous ses aspects macroéconomiques, de rigueur budgétaire et salariale, ou de syndicalisme consensuel. Tout cela est pertinent, mais il existe en outre une dimension très enracinée de l’économie, qui influence aussi bien le patronat que les employés. Le manager français arrivant en Allemagne est confronté à un choc culturel: la culture du respect du travail et la conception de l’entreprise comme appartenant aux salariés. C’est pourquoi les conflits sociaux se règlent à l’amiable et qu’il y a, dans une perspective plus festive, de nombreuses fêtes identitaires chômées.

Comme ?
Citons par exemple le carnaval, les fêtes de la bière, les fêtes de Noël, qui sont vraiment célébrés avec conviction. Il est intéressant de noter que la forte intégration de ces marqueurs identitaires débouche, par ricochet, sur… une préférence nationale naturellement vécue. Il n’est pas envisageable de voir, en Allemagne, des voitures de police achetées à l’étranger. Vous ne verrez pas la Poste acheter des scooters taïwanais comme on le fait en France; ou une ville refaire ses rues avec des pavés chinois, comme on vient de le faire à Reims. Il y existe une préférence tranquille pour le « made in Germany ».

Extrait de l'entretien avec Jean-Yves Le Gallou dans Minute 2541

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