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O.N.G. - Extrême-orient(é)
11 novembre 2011

Le supplice de la selle tibétaine

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"La selle sur laquelle on m’avait placé était en bois, très haute ; sur le troussequin étaient fixées horizontalement cinq ou six pointes en fer. Quand j’étais assis sur cet instrument de torture les pointes entraient dans le bas de mon dos.

Vingt à trente cavaliers, armés de mousquets et de sabres, s’étaient joints à la troupe de mes gardiens, et nous partîmes à une furieuse allure. Un cavalier, devant moi, conduisait mon cheval au moyen d’une corde. Nous allâmes ainsi pendant des kilomètres.

N’eussent été ces pointes atroces, la chevauchée n’eût pas été si désagréable ; ma monture était excellente, et le pays que nous traversions était curieux et intéressant. Nous avancions le long d’une série interminable de collines de sable jaune, d’inégale hauteur.

Arrivé au sommet d’un monticule, mon guide s’arrêta pour regarder le pays ; nous vîmes loin, dans l’est, un grand nombre de cavaliers arriver en secouant des nuages de poussière. Descendant alors la colline, nos montures enfonçant dans le sable mou, nous partîmes dans la direction de ces nouveaux venus.

Nous les rejoignîmes au bout de quelques kilomètres d’une course désagréablement rapide. Il y avait là 200 cavaliers environ, dont une centaine de lamas rouges au centre, avec des porte-bannière dont les têtes étaient couvertes de curieux chapeaux plats, et une centaine d’officiers et de soldats en tuniques grises, rouges et noires. Le Pombo, avec son habit, ses culottes jaunes et son étrange chapeau pointu, se tenait sur un cheval magnifique, un peu en avant d’un groupe de lamas et d’officiers. **** Lorsque nous arrivâmes près de la troupe, le cavalier qui conduisait mon cheval, laissa tomber la corde qui le retenait, et la bête, accablée de coups de fouet, fut lâchée en liberté. Mes gardiens s’écartèrent. Le cheval se précipita dans la direction du Pombo. Comme je passais tout près de lui, le nommé Nerba, secrétaire particulier du Tarjum de Tokchim, s’agenouilla, et, me visant de son fusil à mèche, appuyé sur sa fourchette, me tira délibérément dessus. Quoiqu’il n’y eût de lui à moi que quatre mètres, il me manqua : la balle passa en sifflant à mon oreille ; mon cheval épouvanté se cabra ; mais je réussis à me maintenir en selle, malgré les pointes qui me déchiraient cruellement. Quelques cavaliers se mirent à ma poursuite et se saisirent de mon cheval. Après quoi l’on prépara un autre numéro à sensation du programme de ma torture. Les lamas se plaisaient à ces nobles jeux ; mais je me jurai que, quoi qu’ils me fissent, je ne leur donnerais pas la satisfaction de croire que je souffrais. Je prétendais ne pas sentir l’effet des pointes qui me déchiraient la chair ; aussi, quand on me reconduisit devant le Pombo pour lui faire voir que j’étais tout couvert de sang, je me bornai à lui exprimer ma satisfaction de monter une si excellente bête. Cette attitude parut l’intriguer beaucoup. On apporta alors une corde en poil de yak, de 40 à 50 mètres de longueur, dont un bout fut attaché à mes menottes, et l’autre pris par un cavalier, puis nous recommençâmes notre course sauvage, suivis cette fois par le Pombo et par tous ses hommes. Je ne pus m’empêcher de me retourner une ou deux fois pour voir ce qu’ils faisaient. La cavalcade avait un aspect bizarre et pittoresque, avec ces hommes en costumes de toutes couleurs, leurs fusils à mèche ornés de pavillons rouges, leurs sabres incrustés de joailleries, leurs bannières à longs rubans bigarrés flottant au vent ; tous galopaient furieusement, criant, hurlant, sifflant, au milieu du tintement assourdissant de milliers de clochettes. Pour accélérer notre allure, un cavalier galopait à nos côtés, en donnant des coups de fouet à mon cheval ; dans l’intervalle, celui qui tenait la corde faisait tous ses efforts pour me jeter en bas de ma selle, sans doute dans l’espoir de me voir fouler aux pieds par les cavaliers qui suivaient. Le corps penché en avant, pour garder mon assiette, j’avais les mains violemment tirées en arrière par la corde ; aussi la chaîne des menottes déchirait-elle la chair, et par endroits l’os était à nu. Naturellement, chaque mouvement du cheval enfonçait plus avant de nouveau les pointes dans mes reins."

Voyage d'un Anglais aux régions interdites du pays sacré des Lamas de Landor

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