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O.N.G. - Extrême-orient(é)
12 novembre 2010

Eugène Pujarniscle

A24867

"Pierre Loti ? Mais il n’est pas un colonial ! Il n’est qu’un exotique, qui ne fait que passer... Jean d’Esme ? un commerçant en lettres; ce n’est pas un écrivain, mais un cacographe..." Voilà les lignes bien virulentes que pouvaient découvrir dans les années 20 les lecteurs de la revue Les Pages Indochinoises dont l’un des principaux collaborateurs était Eugène Pujarniscle. Et pourtant, les auteurs critiqués sont encore lus de nos jours, tandis que personne aujourd’hui ne connaît jusqu’au nom de Pujarniscle...
La vie d’Eugène Pujarniscle res te peu connue, et Alain Quella-Villéger nous en livre quelques éléments : il naît à Solliès-Toucas près de Toulon en 1881. Après des études de Lettres à Aix, il part pour le Tonkin en 1912 et ne quittera plus l’Indochine. Il enseignera les Lettres aux lycées de Saïgon, Hanoï puis Hué avant de partir pour Phnom Penh oú il sera nommé directeur de l’enseignement au Cambodge. Il épousera en secondes noces une Cambodgienne et mourra à Phnom Penh en 1951.
Son œuvre littéraire est surtout connue par son pamphlet très iconoclaste ‘Philoxène,ou de la littérature coloniale’ paru en 1931. Philoxène en Grec signifie ‘qui aime l’Etranger’. Ouvrage remarquable d’où nous retiendrons la discussion absolument incorrecte de trois amis, comparant les qualités respectives de la femme européenne avec celles de la femme asiatique... Petit chef-d’oeuvre à ne pas mettre entre toutes les mains...
L’œuvre littéraire comporte trois agréables romans où le critique partial et virulent qu’est Pujarniscle doit relever le gant du clan des écrivains indochinois de souche contre les écrivains de passage, auxquels il ne reconnaît aucun droit de parler de l’Indochine. C’est leur ‘chasse gardée’...
Le premier roman, ‘La petite sœur de Mademoiselle Neige’ paraît en feuilleton dans la revue ‘Extrême-Asie’ à partir de 1925. Pour ce coup d’essai, remarquons que le héros, bien que pensionnaire à l’Institut Français d’Extrême-Asie à Hanoï, va se faire ‘rouler’ par une jolie petite chanteuse tonkinoise et sa ‘peste’ de petite sœur. L’image du colon fort et fier ne se retrouve pas dans le portrait d’un héros bien naïf.
En 1929, paraît chez Crès ‘Le Bonze et le Pirate’. Le héros cette fois-ci, Maximilien Réclavier, est le type même du ‘broussailleux’ ancien de la Conquête et qui ne se retrouve plus dans ce Hanoï qui se modernise. Pour lui l’Indochine ‘est une terre vierge où l’on vient pour faire fortune ou crever de la fièvre, où l’indigène ne compte pas et où l’Européen seul a tous les droits’...
Le narrateur, aidé par de nombreux verres de whisky, va se faire raconter les aventures rocambolesques de Réclavier dans sa lutte avec le chef pirate Dê-Kiet, à travers les montagnes du Haut Tonkin. Et tout çà pour les jolis yeux de la congaïe Lien, qui passera des bras de l’un à l’autre. Oh çà, pas pour l’amour avec un grand ‘A’...
Pujarniscle en profitera pour énoncer ses théories sur l’amour en Asie :’Ici, la femme est faite pour le mâle. La femme obéit, l’homme commande. Toi pas content, content quand même. Ce n’est que dans les livres que l’on rencontre une indigène amoureuse d’un Européen. Ici les femmes n’ont pas d’âme mais de jolis nichons,ce qui est beaucoup plus appréciable...
Le dernier roman, ‘La Bouche Scellée’ paraît chez Crès en 1931. Comme peut le faire deviner la dédicace faite à l’écrivain toulousain Maurice Magre, il s’agit d’une histoire mystérieuse, dans un Tonkin fantastique, une histoire de meurtre, de vengeance et d’un héros colonial maudit dans ces terres d’amour et d’opium...

François Doré (Librairie du Siam et des Colonies - Bangkok - librairiedusiam@cgsiam.com)

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