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O.N.G. - Extrême-orient(é)
12 octobre 2010

Hergé chez Bouddha

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« Le Figaro » lui-même devrait bien conclure, en gros titre, sur quatre colonnes, le 2 février 1991 : « Tintin et Milou ont fait le tour du monde ; à des millions d'exemplaires, Hergé, de son vrai nom Georges Remi, a poussé le langage de la B.D. À la perfection »

Hergé eût dû être heureux. Parfois, sur ses photos, il souriait, mais la blessure de 1944 ne s'était pas cicatrisée. Son monde mythique, au fond de son âme, avait perdu sa fraîcheur.

Il voyageait. Des vrais voyages : en Europe, en Asie, aux Etats-Unis, même chez les Sioux. Mais cela ne valait pas l'imaginaire. Le monde qu'il s'était créé en lui-même, sa vie secrète, étaient figés. En réalité, le cœur n'y était plus, ni la foi, ni l'amour.

Il restait plus vivant que jamais à travers son œuvre, qui s'étendait infiniment. Mais dans la machine intérieure de sa conscience, quelque chose s'était brisé.

Lui, si fervent ! L'homme de l'abbé Wallez du « Vingtième Siècle », l'homme de mon « Histoire de la Guerre Scolaire » qu'il avait illustrée avec tant d'élan, l'homme du scoutisme chrétien, qui avait même connu ses crises de mysticisme, l'homme qui avait dessiné une vignette émouvante à la gloire de la Vierge de Lourdes, le croyant qui après la guerre, avait multiplié les retraites dans des couvents de trappistes, ne s'y retrouvait plus dans sa foi.

Dieu s'éclipsait.

« Je me disais que ça allait changer ma vie, mais ça n'a jamais rien changé, et je m'aperçois aujourd'hui que je n'ai jamais eu la foi ».

Était-ce possible ?... Au fond, qui n'a pas la foi ? Qui, vraiment, la perd ?

Tout, dans l'immensité des mondes, nous dit qu'il doit exister une fabuleuse force créatrice, que l'univers, si merveilleusement complet n'a pu naître d'un hasard furtif, boiteux, confus. Si on laisse tomber une croyance, c'est toujours pour s'en découvrir une autre...

Avec Hergé, comme avec des millions d'autres, il en serait ainsi. Il passa de l'Occident, du Christ pour déboucher sur la Taoïsme et sur Bouddha.

« Nous en revenons – déclara-t-il – à l'Orient et à ses conceptions religieuses des antipodes de celles de l'Occident. Pas de Dieu à barbe blanche, pas de Dieu créateur de l'univers représenté par une Église qui vous impose ses dogmes, mais quelque chose d'indéfinissable, comme une sorte de moteur qui établit des relations entre les êtres et les choses, quelque chose qui a trait à votre respiration, à votre digestion, au travail de vos reins, de vos glandes, qui fait que tout cela fonctionne, quelque chose qui est dans tout, qui circule à travers tout. »

Cette religion des glandes et d'intestins n'avait, pourtant, rien d'emballant.

Il tâtonnait. Il ne savait plus où il en était. Il s'appliquait à devenir bouddhiste. Le Tibet de ses vieux rêves hébergeait ses nouveaux rêves.

Le vrai, c'est que, malgré les siècles, rien n'a changé vraiment dans la vie surnaturelle des hommes.

Que Dieu ait une barbe blanche, que les croyants soient des Mormons polygames ou qu'ils suivent les clochettes des moines tibétains, c'est la même idée qui surgit sans cesse dans tous les brouillards humaine : il y a quelque chose.

En nos temps d'incroyance, on n'a jamais vu inventer autant de sectes ! Les sectes sont les champignons du siècle. On réinvente Dieu chaque jour.

Hergé, qu'il le voulût ou non, était pris dans les rets du spirituel. Même s'il les rompait, ils renaissaient.

Que recréer à la place de Dieu ?

« Je n'ai plus – répétait-il – envie de connaître l'avenir... il n'y a que le présent qui compte, l'éternel présent ».

Mais le présent, tout à coup, disparaît, et l'avenir, tôt ou tard, nous tombe dessus....

Léon Degrelle – Tintin mon copain. (p208-209)

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