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O.N.G. - Extrême-orient(é)
22 avril 2010

Obama, héritier de la mondialisation et des Lumières

nwo

Il y a quelques mois je titrai une chronique sur le crépuscule de la race blanche, et une autre sur l’effet boomerang de la mondialisation. En réalité, l’élection d’un Kenyan né à Hawaï à la présidence américaine (et dont la mère, divorcée, avait épousé un indonésien en secondes noces) n’a pas de quoi nous surprendre, alors que le champion du monde de formule 1 et le meilleur joueur de golf sont eux aussi des métis (en grec ancien, la Metis est la personnification de la sagesse rusée...). Elle était depuis longtemps préparée par la providence, comme disait Joseph de Maistre, par les grandes découvertes, la colonisation et l’unification industrielle de la terre.

Il y a plus de deux siècles et demi, voici ce qu’écrivait déjà notre Voltaire national, alors que la civilisation française était encore la première du monde :

« Le superflu, chose très nécessaire, A réuni l’un et l’autre hémisphère. Voyez-vous pas ces agiles vaisseaux Qui, du Texel, de Londres, de Bordeaux, S’en vont chercher, par un heureux échange, De nouveaux biens, nés aux sources du Gange, Tandis qu’au loin, vainqueurs des musulmans, Nos vins de France enivrent les sultans ? »

Voltaire, en progressiste anglomane, se fait le héraut du libre commerce. Mais ce libre commerce aura des conséquences, qu’entrevoit le penseur réactionnaire Joseph de Maistre quelques décennies plus tard, d’abord sur le plan géopolitique :

« Ajoutez que les plus longs voyages ont cessé d’effrayer l’imagination ; que tous les grands navigateurs sont européens ; que l’Orient entier cède manifestement à l’ascendant européen ; que le Croissant, pressé sur ses deux points, à Constantinople et à Delhi, doit nécessairement éclater par le milieu ; que les événements ont donné à l’Angleterre quinze cents lieux de frontières avec le Tibet et la Chine, et vous aurez une idée de ce qui se prépare. »

Voyons ensuite les conséquences sur le plan politique et même démographique. Avec une clairvoyance digne des grands réactionnaires, Maistre annonce le métissage généralisé actuel et la destruction providentielle des nations et des cultures :

« Tout annonce que nous marchons vers une grande unité que nous devons saluer de loin, pour me servir d’une tournure religieuse. Nous sommes douloureusement et bien justement broyés ; mais si de misérables yeux tels que les miens sont dignes d’entrevoir les secrets divins, nous ne sommes broyés que pour être mêlés. »

De Maistre suppose sans doute un avènement spirituel, une parousie qui couronnera ce grand rassemblement matériel et démographique. Mais Chateaubriand, dans la célèbre conclusion de ses Mémoires, est moins optimiste :

« Quand la vapeur sera perfectionnée, quand, unie au télégraphe et aux chemins de fer, elle aura fait disparaître les distances, ce ne seront plus seulement les marchandises qui voyageront, mais encore les idées rendues à l’usage de leurs ailes. Quand les barrières fiscales et commerciales auront été abolies entre les divers Etats, comme elles le sont déjà entre les provinces d’un même Etat ; quand les différents pays en relations journalières tendront à l’unité des peuples, comment ressusciterez-vous l’ancien mode de séparation ? »

Chateaubriand dénonçait la « volonté de parvenir à une nation unique » comme une chimère ; mais l’avenir, on le sait bien, consiste en ceci qu’il n’y aura plus de mode de séparation. Il y aura unification et confusion de tout. D’ici dix ans nous aurons un gouvernement mondial. L’Europe peut s’attendre à une disparition rapide de tous ses états-nations, l’Amérique de ses racines wasp, l’échec pathétique du vieux routard McCain ayant sonné le glas définitif de la grande nation anglo-protestante qui fascinait Jules Verne. Les flux migratoires vont s’accélérer jusqu’à la caricature grâce aux progrès techniques et surtout juridiques... Les religions se séculariseront toujours plus, à moins qu’un gourou planétaire ne s’impose. Et l’on résoudra ensemble les problèmes financiers, démographiques (le vieillissement, pas la natalité) et écologiques qui se posent dès aujourd’hui.

Je n’ai pas évoqué le problème du racisme, presque absent de la campagne américaine. Mais le racisme me paraît de plus en plus, tout comme le nationalisme, une construction intellectuelle européenne du XIXe siècle industriel et impérialiste. C’est ce siècle du nationalisme et du romantisme qui me paraît la seule exception culturelle de l’humanité, jusque dans son élaboration du fascisme ou du marxisme, de l’historicisme et du socialisme. Il y avait peu ou pas de racisme avant le XIXe siècle, il y en a peu ou pas après (Hitler étant comme Lénine un homme du XIXe). Obama nous permis de sauter le pas. N’a-t-il pas comparé ses réunions de famille à une petite organisation des Nations unies ? Bienvenue au XXIe siècle donc.

Postscriptum : et dire qu’avec Serge de Beketch nous ne cessions d’encenser le XIXe siècle pour sa musique et sa littérature...

par Nicolas Bonnal dans l'après Libre Journal

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