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O.N.G. - Extrême-orient(é)
1 avril 2010

Sur la piste d’Erulin

la_grande_piste

A soixante huit ans, le para Dominique Erulin saute encore chaque jour. Colonel honoraire dans l’armée paraguayenne, il assure l’instruction des forces spéciales qui idolâtrent et redoutent ce colosse taillé dans le granit de sa Lorraine natale et toujours vice champion du monde de Taekwondo (boxe coréenne). Pendant des années il fut un des personnages mythiques de la droite nationale française. Au point que ce petit gang que l’on appela "la cellule élyséenne" allait bâtir autour de lui un autre mythe : celui de l’homme qui voulait tuer Mitterrand. C’est de cette fable et de la peur qu’elle avait ancrée au cour du vieux satrape de l’Elysée que des gendarmes-voyous, des policiers pourris et des blattes de cabinet tirèrent la puissance de méfaire qui, finalement, allait les conduire devant les Tribunaux pour l’affaire des écoutes clandestines de l’Elysée.

Dans Gibier d’Etat, Erulin a raconté précédemment (et avec quelle verve !) ce que cette forgerie grotesque lui avait coûté : l’exil, la ruine, la dislocation de sa famille, la solitude, la misère.

Il ne pouvait pas en rester là.

Il devait dire à quel prix il a recouvré son honneur, sa liberté d’action et même le grade qui est comme un apanage familial. Chez les Erulin, on est colonel de génération en génération. Son père fut avec Vanuxem, Edon, Castries et d’autres un des "maréchaux" de Lattre, et trouva la mort en Indochine à la tête de ses groupes mobiles. Son frère, le fameux Colonel Erulin, "Soleil" de l’opération Kolwezi, fut sans doute assassiné par "raison d’Etat" quelque temps plus tard ; son autre frère François, pilote d’élite broyé dans le crash de son appareil, survécut contre tout attente grâce à sa vitalité surhumaine.

C’est pour ceux-là, sans doute, et pour moucher les larbins en uniforme que Dominique Erulin a entrepris de jeter sur le papier l’histoire d’une vie digne en tous points d’un nom illustré par le courage, le dévouement et la passion de la patrie.

Sa "grande piste", selon le nom que donne à son chemin de vie, celui que nous appelions Brutus l’a tracée au milieu de la brousse des hommes et des jungles inextricables de l’histoire. Elle débouche toujours, quels qu’en soient les détours, sur un événement historique ou politique capital de la seconde moitié du vingtième siècle.

Le premier volume, explosif par sa franchise brutale et par les révélations qu’il apporte, couvre les années 1938 à 1968. Enfant de la guerre, ce cadet d’une fratrie de cinq enfants est le témoin muet et admiratif des aventures de ses parents dans la Résistance. Pour autant, il n’a pas oublié l’émotion qui l’étreignit le jour où, à cinq ans à peine, il serra la main du Maréchal Pétain : « Il ne m’avait guère paru plus grand que moi... »

Très tôt, le cuir déjà tanné par les raclées paternelles, le coeur bronzé par le désamour maternel, et les poings affermis par les bagarres entre sales gosses, "Marcassin noir", (le surnom que lui donnaient les siens) va se frotter aux bandes communistes.

A dix-huit ans à peine, il est de ceux qui investissent le siège du Parti stalinien, Place Kossuth, en passant par des toits et en défonçant une cloison. Puis c’est la guerre d’Algérie pour laquelle il laisse mourir son rêve de casoar et gants blancs ; les combats contre une hiérarchie bornée ; la rencontre avec Château-Jobert ; la navrante issue du Putsch d’Alger ; les mensonges gaulliens et la candeur des officiers trompés ; les grimaces du « traître Messmer » et la venette de Debré le « nabot hystérique » ; la blessure inguérissable d’avoir vu des Français en uniforme mitrailler, sur ordre d’un général félon, une foule dont le crime était de vouloir rester française et de prétendre garder intact le territoire national ; tout naturellement, la lutte pour l’Algérie française ; l’attentat du Petit Clamart dont il analyse l’échec tragique avec une clairvoyance et une sûreté de jugement stupéfiante, et de nouveau le combat politique au coté d’un homme qui ne lui mesurera jamais son amitié et sa fidélité : Jean-Marie Le Pen.

Il faut ici donner la parole à l’éditeur, qui résume à la perfection la façon dont on doit lire ce livre : « Nous demandons au lecteur de faire un effort d’imagination et d’adaptation. Oui, imaginez que ce texte nous vienne de l’antiquité, qu’il émane d’un valeureux centurion qui contemple derrière lui sa vie, et nous la raconte simplement et sincèrement, avec le langage de son temps ; ce texte mérite de prendre cette distance pour en retirer toutes les leçons. »

On ne saurait mieux exprimer la force d’un livre qui est à la fois l’histoire, la confession, la profession de foi et le testament spirituel d’un homme comme on n’en fait plus. En dépit des épreuves, des trahisons, des déceptions, des écoeurements, Erulin reste le même baroudeur enthousiaste, enragé, rieur, taillant sa piste à grands coups de machette et allant de l’avant. Sans céder au découragement ni a la fatigue. Toujours lucide, déterminé, actif, il irradie ce calme étrange qui annonce les ouragans. Je n’ai jamais pu regarder Dominique Erulin sans penser au Grand Ferré ou au fameux capitaine du Combat des Trente ("Bois ton sang, Beaumanoir !")

Qaunt au style, l’éditeur, visiblement fier d’avoir rencontré cet écrivain, le définit en peu de mots : « L’auteur n’use jamais de circonvolutions, il appelle un chat un chat, un trouillard un trouillard, un fell un fell, un salopard un salopard. Et ses phrases sont comme des actions commandos : on bouge, on voit, on attaque, on conquiert. »

Pourtant, l’humour n’est pas absent de ces pages. Le récit épique de la campagne Tixier tire littéralement des larmes de rire et les aventures rocambolesques d’Erulin cascadeur sur le tournage de la "Grande Vadrouille" puis aux Etats-Unis apportent dans ces pages pleines de panache, de fidélité, et d’Histoire, une note vraiment inattendue.

Le livre se termine en 1968. On attend avec impatience le récit des quarante années suivantes.

Serge de Beketch dans Le Libre Journal n°369 daté du 2 février 2006.

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