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O.N.G. - Extrême-orient(é)
23 février 2010

Pillage colonial ou ruine des nations coloniales

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(9 décembre 1993)

En 1960, lorsque la France accorde l’indépendance à ses colonies d’Afrique, elle laisse derrière elle 2 000 dispensaires en état de fonctionnement, 600 maternités, 40 hôpitaux en Afrique noire et à Madagascar. En Afrique du Nord, 180 établissements hospitaliers, et 30 en Indochine.

En Afrique, la France a construit 18 000 kilomètres de voies ferrées, 215 000 kilomètres de pistes principales utilisables en toutes saisons, plus de 50 000 kilomètres de routes bitumées. Elle laisse 63 ports équipés et 196 aérodromes.

Dans le domaine scolaire, l’effort fut également considérable puisque 2 millions d’élèves étaient scolarisés en Afrique noire et à Madagascar en 1960 et 1,8 en Afrique du Nord. Dans la seule Afrique noire, 16 000 écoles primaires et 350 écoles secondaires, collèges et lycées fonctionnaient.

L’effort de formation fait par la France avait porté ses fruits car, au moment des indépendances, 95 % des instituteurs étaient Africains. Pour les autres catégories d’enseignants, un seul chiffre rendra compte de l’immensité de l’effort fait par la France : en 1960, 28 000 enseignants français exerçaient dans la seule Afrique (AFN comprise), soit 1/8 du corps professoral national. Il était impossible d’en faire plus car la métropole manquait cruellement d’enseignants.

Pour la seule année 1955, les seuls investissements faits en Afrique, sans tenir compte de toutes les autres dépenses, représentaient 5 % du budget français et 22 % de toutes les dépenses nationales d’équipement. De 1945 à 1958, l’Etat français a investi 900 milliards en AFN et 800 en Afrique noire. Au total, de 1900 à 1958, en additionnant les fonds privés et les fonds publics, le total des capitaux français investis dans l’Empire a atteint la somme colossale de 25 734 millions de francs, valeur 1914.

En 1958, en Afrique noire française, seuls trois pays avaient une balance commerciale excédentaire car ils exportaient du bois, du café et du cacao. Il s’agissait du Gabon, du Cameroun et de la Côte d’Ivoire.

L’indépendance approchant, la France eut l’intention de constituer des ensembles économiques équilibrés construits autour de ces pôles de relative prospérité afin d’équilibrer économiquement l’ancien empire. Elle proposa alors de regrouper les trois territoires les plus riches avec d’autres, moins favorisés qu’eux.

Le projet n’eut pas de suite car les territoires les plus riches ne voulurent pas que des régions sans ressources fussent incorporées à leurs frontières et c’est en partie pourquoi l’Afrique est aujourd’hui balkanisée. Quand les tiers-mondistes nous accusent d’avoir donné l’indépendance à des "sortes" d’Etats non viables économiquement, il importe de bien leur rafraîchir la mémoire !

De plus, à l’époque coloniale, l’existence d’immenses ensembles géographiques unis sous la même administration avait permis de désenclaver l’Afrique centrale et l’Afrique sahélienne.

L’exemple du Mali illustre parfaitement cette idée. Le Mali, qui fut le Soudan français, est aujourd’hui étranglé par un enclavement géographique et politique qui lui interdit tout développement en raison des insolubles problèmes de transport et de frontières douanières qui l’assaillent. Toutes ses importations et toutes ses exportations se font par la route, en direction des ports de la façade maritime africaine. Des milliers de kilomètres doivent donc être parcourus et plusieurs frontières franchies, d’où des coûts que l’économie nationale ne peut plus supporter.

Avant 1960, la situation était totalement différente car, placé au carrefour de sept territoires relevant d’une seule autorité, l’autorité française, le Soudan n’était pas un cul-de-sac comme aujourd’hui, mais une plaque tournante essentielle de l’ouest africain.

Comme bien d’autres pays africains, le Mali a été tué, non par la colonisation, mais par l’indépendance !

Par Bernard Lugan, texte publié dans Le Libre Journal n°21.

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