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O.N.G. - Extrême-orient(é)
22 décembre 2009

Manille : le cauchemar immobile

manila

Manille n’est pas une ville, c’est un cauchemar urbain. Un mélange de moteurs en marche et de capitale figée dans un gigantesque embouteillage permanent. De l’aube jusque tard dans la nuit, dans la lumière d’un soleil vert ou sous les néons électriques, des taxis, des jeepneys aux chromes agressifs, des 4X4, des bus bondés et des gros poids-lourds se mordent la queue, haletants et impuissants, en crachant de gros nuages de fumée noire. Autour d’eux, hommes, femmes et enfants, fantômes de la cité, marchent, un chiffon appliqué sur le visage, avec l’allure de rescapés de Tchernobyl, englués comme des insectes humains dans l’immense nappe de fumée, lourde, épaisse et toxique qui enveloppe la ville et la vie. Il faut deux, trois, cinq heures, pour aller d’un quartier à l’autre. Ce n’est plus un problème de circulation mais un problème économique, un problème de civilisation. Entre les buildings de verre courent des terrains vagues et des dépotoirs à ciel ouvert. Et, sur les boulevards, la pauvreté roule, roue contre roue, avec l’opulence climatisée. Partout, l’ordure côtoie le chrome. Poussière suffocante au soleil, boue sale sous la pluie ; la crasse de la ville engorge les égouts d’une ville hérissée de chantiers sauvages, de blocs de bétons et de pointes d’acier. Alors, on se mure, on s’enferme, derrière des portes blindées, des murs épais, des coffres-forts et une armée de vigiles. Ici, le moindre chauffeur de taxi a un gourdin sous son siège et les gardiens de parking brandissent des riot gun à crosse courte. Luxe, corruption, cynisme, force du fric, violence, goût des armes comme ultime liberté...L’ancienne cité asiatique a vendu ses derniers charmes contre ce que l’Occident peut cracher de pire. Manille est un simulacre de civilisation moderne qui couvre d’or ses hommes d’affaires et jettent ses enfants dans des rues sans âme, une mégalopole de dix millions d’habitants qui est en train de s’auto-détruire. Ici, on suffoque, on piétine, on enrage...

Par Jean-Paul Mari

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