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O.N.G. - Extrême-orient(é)
26 juin 2009

Sur le livre "le Siècle de 14" de Dominique Venner

le_siecle_de_1914

Pauline Lecomte (journaliste) : Ne peut-on établir une certaine analogie entre ce que l’Europe a vécu depuis 1945 et ce que l’Asie, notamment la Chine, avait elle-même vécu pendant un très gros siècle, à compter des guerres de l’Opium jusqu’à une période récente ?
Dominique Venner : Malgré toutes les différences, le détour par la Chine est en effet intéressant pour prendre des distances et comprendre le sort de l’Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. La Chine était en possession d’une histoire multimillénaire et d’une civilisation qui pouvait largement rivaliser avec celle de l’Europe. Elle avait connu également des ruptures historiques, des invasions, dont elle avait triomphé, se retrouvant toujours elle-même. Comme vous l’avez dit, tout a changé pour elle à partir des guerres de l’Opium, avec l’épisode extrême, en 1860, de la conquête de Pékin et du sac du palais d’Eté par un corps expéditionnaire franco-britannique. La Chine fut alors contrainte d’ouvrir ses ports au commerce et à l’influence des Occidentaux sans pouvoir s’y opposer. Le traumatisme fut immense. Pour la première fois dans sa longue histoire, la Chine douta d’elle-même et de sa civilisation. Les nouvelles générations se convainquirent que la tradition était la cause du déclin. Pour se moderniser et retrouver de la puissance, il fallait se débarrasser des valeurs ancestrales et adopter celles de l’Occident, y compris le communisme. Ce fut l’origine des révolutions en chaîne jusqu’aux délires sanglants du maoïsme. Après quoi, sous Den Xiaoping, ébranlée par le recul de l’URSS, influencée aussi par l’exemple du Japon et plus encore de Singapour, la Chine – c’est-à-dire ses hiérarques - a fait le choix de suivre sa propre voie. Elle a pris à l’Occident américain les recettes de l’économie libérale, mais en conservant un système politique autoritaire efficace et en faisant, sur le plan spirituel, retour aux sources du confucianisme. Toutes proportions gardées, depuis la Seconde Guerre mondiale, les Européens ont subi sans le savoir un traumatisme analogue à celui qu’avait éprouvé la Chine à la fin du XIXe siècle. Nous avons perdu foi en nos propres valeurs que nous ne connaissons même plus. Nous imitons donc le modèle américain, même quand nous le critiquons, n’ayant plus la liberté d’imaginer un avenir vraiment européen.

PL : Pensez-vous que l’exemple de la Chine et de tous les autres réveils identitaires puisse à l’avenir stimuler les Européens ?
DV : Pour les Européens, l’association de la modernité et de la tradition telle qu’on l’observe en Asie est un mystère troublant. Imprégnés par une vision finaliste de l’histoire, la culture du Progrès, le mépris du passé et notre absence de longue mémoire, nous sommes désemparés devant le formidable mouvement mondial du retour identitaire. Nous le prenons même pour une régression : quelle idée, n’est-ce pas, d’en appeler à Confucius, Moïse ou Mahomet ! Dans notre égarement, nous cherchons des solutions techniques (politiques, économiques, organisationnelles) à une crise de civilisation qui est spirituelle. Il nous est donc difficile de comprendre qu’un informaticien musulman est d’autant plus performant qu’il se nourrit du Coran, que l’Etat d’Israël prend appui sur la Torah et que la modernisation de l’Inde est inséparable du retour à l’hindouisme. C’est pourtant la réalité. La modernité technique n’est bien vécue que par les peuples assumant vigoureusement leur identité par le retour à leurs sources. En dehors de l’Europe, la page a été partout tournée de la quête de la modernité par imitation de l’Occident américain et par rejet de la tradition.

Suite de l'entrevue

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